Cliquez pour voir l'autre carte! 1. Paul Rassinier, Le Drame des Juifs européens, les Septs Couleurs, 1964. Pour des introductions aux falsifications arithmétiques de Rassinier, voir: ici, ici et ici. 2. Raul Hilberg, The Destruction of the European Jews, Quadrangle Books, 1961. Une version remaniée et enrichie est parue en français en 1988, La destruction des Juifs d'Europe, Fayard, 1988. Hilberg est la cible principale des falsifications de Rassinier (voir note 1). 3. Paul Rassinier, Le Drame des Juifs européens, op. cit., p. 22. 4. Paul Rassinier, Le Drame des Juifs européens, op. cit., p. 125. 5. Paul Rassinier, Le Drame des Juifs européens, op. cit., p. 176. C'est Rassinier qui parle de « Russie », terme que n'emploie jamais Hilberg... 6. Raul Hilberg, The Destruction of the European Jews, op. cit., p. 670. On trouvera aussi ce tableau quasiment inchangé (chiffres ajustés notamment pour la Roumanie, l'URSS), ainsi que les commentaires qui l'accompagnent dans l'édition française de l'ouvrage de Raul Hilberg, La destruction des Juifs d'Europe, op. cit., p. 903. 7. Voir ici. 8. En fait, Hilberg donne des chiffres pour l'année 1945, et non 1946 (voir plus bas et ici) 9. 355 000 Juifs on pu fuir dans des pays hors de portée des Nazis entre 1939 et 1945 d'après Raul Hilberg, The Destruction of the European Jews, op. cit., p. 717. Rassinier a, à une autre occasion, falsifié Hilberg en « oubliant » cette catégorie de survivants. 10. Raul Hilberg, The Destruction of the European Jews, op. cit., p. 670. On pourra trouver la même note dans l'édition française: Raul Hilberg, La Destruction des Juifs d'Europe, op. cit., p. 903. 11. Il s'agit du chiffre du recensement de janvier 1939, ne tenant évidemment pas compte des territoires incorporés ultèrieurement (Mordechai Altshuler, Soviet Jewry on the Eve of the Holocaust, Jerusalem, The Center for Research of East European Jewry, 1998, p. 2-7, cité par Laurent Rucker, Staline, Israël et les Juifs, Puf, 2001, p. 62). 12. Raul Hilberg, The Destruction of the European Jews, op. cit., p. 190. Hilberg donne le détail: 260 000 pour les pays baltes, 1 350 000, pour les territoires polonais et 300 000 pour la Bukovine et la Bessarabie. Ces chiffres figurent à la page 252 de l'édition française de 1988. 13. Recensement de janvier 1939 (Mordechai Altshuler, Soviet Jewry on the Eve of the Holocaust, Jerusalem, The Center for Research of East European Jewry, 1998, p. 2-7, cité par Laurent Rucker, Staline, Israël et les Juifs, Puf, 2001, p. 62). 14. Raul Hilberg, The Destruction of the European Jews, op. cit., p. 767. Ce tableau est reproduit ici. Un tableau analogue est présenté dans l'édition françaises aux pages 1045-1046. 15. Paul Rassinier, Le Drame des Juifs européens, op. cit., p. 16, 22, 32, 75, 111. 16. Voir ici et . 17. Paul Rassinier, Le Drame des Juifs européens, op. cit., p. 22. 18. Paul Rassinier, Le Drame des Juifs européens, op. cit., p. 176-177. 19. Paul Rassinier, Le Drame des Juifs européens, op. cit., p. 125. 20. Raul Hilberg, The Destruction of the European Jews, op. cit., p. 190.

Les falsifications de Rassinier

Hilberg et le nombre de victimes
en URSS


Ce que Rassinier prétend que Hilberg a écrit...

Dans son pamphlet négationniste, Le drame des Juifs Européens, Rassinier multiplie ses dénonciations1 des incohérences entre historiens du génocide des Juifs. Par exemple, Rassinier prétend discuter les chiffres donnés par Hilberg2 à propos du nombre de victimes juives en URSS. Rassinier prétend, et répète, en effet que Hilberg évalue ce nombre à 420 000. Nous allons voir comment Rassinier construit ce chiffre bidon en usant de manipulations particulièrement perverses. Voici ce que Rassinier écrit:

« Raul Hilberg n'en [nombre de Juifs exterminés en URSS] trouve que 420 000 »3

Un peu plus loin dans le même ouvrage, on peut lire:

« [Hilberg] fixe à 3.020.000 le nombre de juifs vivant en Russie en 1939 [...], évalue à 2.600.000 le nombre de ceux d'entre eux qui ont survécu, soit les pertes à 420.000 »4

Rassinier encore dans le même ouvrage:

« M. Raul Hilberg [...] trouve [en Russie] 3.020.000 juifs à la date de 1939 conclut à 420.000 exterminés et 2.600.000 survivants »5.

Tout au long de son ouvrage Rassinier va marteler que cette statistique est en contradiction avec celles d'autres ouvrages (voir plus bas), et dénoncer ainsi l'incompétence de tous les auteurs.


Rassinier page 123

D'où Rassinier tire-t-il ses chiffres? A la page 123 de son ouvrage, figure un tableau où Rassinier prétend reproduire un tableau de Hilberg lui-même, celui de la page 6706. Nous reproduisons le tableau de Rassinier ci-contre. Signalons immédiatement au lecteur que la note de Rassinier sur la prétendue incohérence entre les pages 670 et 767 est le fruit d'une autre falsification par Rassinier du texte original de Hilberg et que les totaux présentés par Rassinier sont illégitimes et erronés7! Mais concentrons nous sur notre sujet présent: le nombre de victimes juives en URSS (que Rassinier s'obstine à appeler Russie...).

Lisons le tableau de Rassinier (qu'il prétend reproduire de la page 670 de l'ouvrage de Hilberg): il présente les populations juives dans les pays européens occupés à un moment ou à un autre par les Nazis, dans leur état de 1939 et de 19468. La ligne qui nous intéresse concerne l'URSS: la différence entre les chiffres fournis par Rassinier pour les années 1946 et 1939, à savoir 3 020 000 et 2 600 000 fait bien 420 000. C'est donc à la page 123 de son ouvrage que Rassinier établit le bilan des victimes juives en URSS, et ce bilan, dixit Rassinier, serait donné par Hilberg lui-même dans le tableau de la page 670 de son ouvrage.

Il nous faut donc nous reporter à la page 670 de l'ouvrage de Hilberg et examiner de près ce qu'Hilberg a vraiment écrit. Il semble que Rassinier n'ait pas songé un instant que son lecteur serait susceptible d'effectuer cette vérification...

Le tableau original de Hilberg... et le texte l'accompagnant.

Tableau de Hilberg à la page 670 
Hilberg, 1961, p. 670 La diminution de la population civile 1939-1945

Le tableau original de Hilberg (reproduit ci-contre) présente trois colonnes. La première est une liste des pays européens occupés à un moment ou à un autre par les Nazis. La deuxième colonne est celle des populations juives dans ces pays en 1939. La troisième colonne présente les populations de ces même pays en 1945 (et non 1946).

Le tableau ne s'intitule pas « évaluation du nombre de victimes juives ». Nulle part Hilberg n'écrit que telle est la signification spécifique de ce tableau. De fait, dans le nombre de Juifs « manquant » Hilberg compte ceux qui ont pu fuir entre 1939 et 19419. Rassinier n'avait aucun droit à prétendre que Hilberg, dans ce tableau, comptait des victimes.

De fait, le tableau de Hilberg ne présente pas de quatrième colonne de « différences » ni de ligne de « totaux ». Tous les calculs sont ceux de Rassinier, ce que ce dernier se garde bien de jamais préciser. Par exemple, jamais Hilberg n'écrit dans son ouvrage, pas plus à la page 670 qu'à une autre, que le nombre de victimes en URSS s'élève à 420 000... Ce chiffre est comme les autres le résultat d'un calcul de Rassinier. Rassinier avait-il le droit de procéder à ce calcul?

Le tableau de Hilberg ne vient pas seul. Comme on le voit sur la repoduction, le titre, « The Jewish Population Loss 1939-1945 » est suivi par un appel de note (en l'occurence une étoile). Voici la partie pertinente cette note explicative:

« The statistics for 1939 refer to prewar borders and postwar frontiers have been used for 1945. [...] The estimate of 2,600,000 for the USSR comprises about 300,000 refugees, deportees and survivors from newly acquired territories. »10

En voici la traduction française, à lire avec attention...

« Les statistiques pour 1939 se réfèrent aux frontières d'avant-guerre et ce sont les frontières de l'après-guerre qui ont été utilisées pour 1945. [...] L'estimation de 2 600 000 concernant l'URSS comprend environ 300 000 réfugiés, déportés et survivants venant des territoires nouvellement acquis. »

Comment Rassinier a falsifié Hilberg

Europe 1945 Jamais Rassinier ne mentionne le commentaire pourtant fondamental de Hilberg! Hilberg précise que pour 1939 et 1945, les différents pays sont considérés dans leurs frontières à ces dates. D'ailleurs, le chiffre donné par Hilberg pour l'URSS de 1939, à savoir 3 020 000 de Juifs est bien connu comme le résultat d'un recensement soviétique de 193911. Or on sait qu'entre 1939 et 1945, ces frontières ont beaucoup varié. Il était donc parfaitement injustifiable d'opérer des soustractions entre les chiffres donnés par Hilberg pour des territoires correspondant à 1939 et d'autres correspondant à 1945. Ce n'est pas pour rien que Hilberg n'a pas fait ces soustractions. Ce n'est pas pour rien que Rassinier a camouflé à la fois cette absence et le commentaire de Hilberg. La malhonnêteté apparaît dès que l'on consulte la carte des changements de frontières avant et après la guerre (cliquez sur la carte pour voir l'Europe en 1937).

Le cas de l'URSS est particulièrement frappant. Entre 1939 et 1945, elle opère une forte poussée vers l'ouest, absorbant plus du tiers de la Pologne d'avant guerre, annexant des morceaux de Finlande, de Tchécoslovaquie, de Roumanie et surtout absorbant complètement les pays baltes, Estonie, Lettonie, Lituanie! Non, certes, les frontières de 1945 ne sont pas celles de 1939 et Rassinier commet une scandaleuse imposture en opérant des soustractions.

L'imposture de Rassinier devient encore plus flagrante à l'examen de la seconde partie du commentaire de Hilberg: sur 2 600 000 Juifs en URSS en 1945, 300 000 ne sont pas originaires des frontières de 1939. Ces 300 000 Juifs sont justement des Juifs « réfugiés, déportés et survivants venant des territoires nouvellement acquis ». Ce point soigneusement passé sous silence par Rassinier interdit absolument d'utiliser le chiffre 2 600 000 comme étant le nombre de Juifs d'URSS demeurés en URSS en 1945. Lorsque Rassinier écrit que Hilberg « fixe à 3.020.000 le nombre de juifs vivant en Russie en 1939 » et « évalue à 2.600.000 le nombre de ceux d'entre eux qui ont survécu », c'est un mensonge au premier degré. Le commentaire de Hilberg indique très clairement que le nombre de de Juifs originaires de l'URSS de 1939 encore présents en 1945 est de 2 600 000 moins 300 000, soit 2 300 000. Le chiffre de 2 600 000 survivants en 1945 sur le territoire de 1945 ne peut se comparer qu'à la population totale qui vivait en 1939 sur tous les territoires couverts par l'URSS en 1945, et certainement pas à 3 020 000 qui est le nombre des Juifs vivant dans l'URSS de 1939.

On peut donc, à la rigueur, tenter de calculer le nombre de Juifs disparus de l'URSS dans ses frontières de 1939. Dans ce cadre, le chiffre à utiliser pour faire une soustraction « rassinienne » est 2 300 000 et la différence réelle n'est pas 420 000 comme l'avance frauduleusement Rassinier, mais 720 000. Encore ce chiffre ne vaut-il que si l'on définit avec rigueur les frontières auxquelles il s'applique. Jamais Rassinier ne donne la moindre information sur les frontières qu'il considère.

Si l'on souhaite à toutes forces utiliser le nombre de Juifs présents dans l'URSS de 1945, il est nécessaire de connaître le nombre de Juifs qui vivaient dans ce même périmètre en 1939, soit à la fois en URSS (dans ses frontières de 1939), dans les pays baltes, dans le tiers de la Pologne, ainsi que dans des morceaux de Tchécoslovaquie et de Roumanie. En fait, si l'on réalise que ce périmètre est pratiquement équivalent à celui atteint par l'URSS en 1941 juste avant l'invasion allemande, et que l'on procède à une lecture attentive de Hilberg on découvre que l'on dispose des informations nécessaires. Hilberg donne des évaluations des populations juives des territoires occupés par l'URSS entre 1939 et 1941 (et qui, ainsi qu'on l'a dit, correspondent à peu près à ceux sur lesquels les frontières se fixeront en 1945). Il parvient à un total de 1 910 000 Juifs12. Pour avoir le total du nombre de Juifs présents sur cette étendue (correspondant en gros à l'URSS de 1945) avant la guerre il suffit d'y ajouter les 3 020 000 Juifs de l'URSS de 1939. A ce total de 4 930 000 personnes, il est alors licite de soustraire le nombre de survivant sur le même territoire en 1945, 2 600 000. On parvient alors à une perte de 2 330 000. On ne s'étonnera pas que Rassinier n'ait pas mené à bien ce calcul . Nous ne l'avons fait qu'afin de bien démontrer que selon les frontières que l'on considère, le bilan du nombre de Juifs disparus d'URSS peut être évalué entre 720 000 et 2 300 000! On voit bien qu'aucune mention de chiffre sur ces pertes ne saurait faire l'économie de la précision des frontières auxquelles elles se rapportent. Rassinier évite soigneusement cette « difficulté », et se permet, en camouflant les précisions de Hilberg, de fabriquer un chiffre minimal!

La volonté de falsification de Rassinier, apparaît encore plus clairement lorsque l'on examine comment il a prétendu reproduire le tableau de Hilberg. Ainsi qu'on l'a rappelé, les pays baltes ne font pas partie de l'URSS en 1939, mais y sont incorporés en 1945 et le chiffre total des Juifs donnés pour l'URSS en 1945 comprend ceux des pays baltes. Or cette information là est apparente dans le tableau de Hilberg, mais « disparaît » de celui de Rassinier...

Tableau original de Hilberg        Tableau fourni par Rassinier
Hilberg, 1961, p. 670 La diminution de la population civile 1939-1945        Rassinier, p. 123

Hilberg présente les pays par ordre alphabétique sauf dans le cas des pays baltes qui suivent (avec une indentation) immédiatement l'URSS. C'est la meilleure façon pour Hilberg de donner les chiffres séparément pour 1939 (les pays baltes ne font pas encore partie de l'URSS), mais globalement pour 1945 où l'URSS comprend les pays baltes et où par conséquent, le chiffre donné pour 1945 vaut pour l'URSS pays baltes inclus. (raison pour laquelle aucun chiffre n'apparaît en face des pays baltes pour 1945). Il est par exemple bien connu que le chiffre de 3 020 000 Juifs en URSS en 1939 provient d'un recencement de cette même année dans une URSS qui ne comprend pas les pays baltes13.

Si Rassinier reproduit les chiffres du tableau de Hilberg sans erreur, il a altéré la présentation de ce tableau d'une manière fondamentale. Les pays ne sont plus présentés par ordre alphabétique, comme chez Raul Hilberg. On serait d'ailleurs bien en peine de déterminer quel type d'ordre Rassinier a choisi. Quelle raison pouvait bien avoir Rassinier de modifier l'ordre proposé par Hilberg et de présenter les pays dans un ordre différent? Une raison évidente: ce nouvel ordre, ou plutôt ce désordre, Rassinier l'a mis à profit pour séparer complètement les pays baltes (Estonie, Lettonie, Lituanie) de l'URSS. Par ce tour de passe-passe, Rassinier supprimait la mention explicite de frontières différentes pour 1939 et 1945 que faisait apparaître Hilberg lorsqu'il plaçait les pays baltes sous l'URSS, de façon indentée, et sans chiffres pour 1945! Cette manipulation falsificatrice, qu'aucun lecteur ne peut détecter s'il n'a pas sous les yeux l'ouvrage original de Raul Hilberg, va permettre à Rassinier de dissimuler que le chiffre donné pour l'URSS en 1945 (et non 1946 d'ailleurs comme il le note sur son tableau) comprend, entre autres, les pays baltes! Cette manipulation démontre d'ailleurs que Rassinier avait parfaitement vu et compris le commentaire de Hilberg, mais il lui fallait gommer tout élément indiquant que Hilberg mentionnait les changements de frontières survenus entre 1939 et 1945. La manipulation servait toujours le même objectif: fabriquer un chiffre bidon dont il ferait porter la responsabilité à Hilberg. Une arnaque totale.

Si Rassinier avait été honnête, tout ce qu'il aurait pu tirer comme information du tableau de Hilberg, c'était que sur le territoire de l'URSS de 1939, la population juive avait diminué depuis de 720 000. C'est là le seul chiffre calculable à partir du tableau de la page 570. Et pour comparer ce chiffre à celui d'autres évaluations, il est impératif de préciser à quelles frontières se rapportent ces autres évaluations, ce que Rassinier ne fera jamais, lorsqu'il comparera son bilan frauduleux de 420 000 avec d'autres bilans. Certains bilans peuvent concerner tout le territoire de 1945 ou seulement celui de 1939 ou encore celui de 1939 augmenté des pays baltes. Dans chaque cas, il est normal que les chiffres diffèrent.

La forfaiture de Rassinier apparaît ailleurs de façon encore plus frappante dès que l'on constate que Hilberg a lui-même donné une statistique des pertes de l'URSS et des pays baltes, dans un passage connu de Rassinier. En effet, à la page de 767 de son ouvrage, Hilberg présente un bilan des Juifs assassinés en Europe par les Nazis. Hilberg donne la répartition par territoires en précisant explicitement que les pays sont considérés dans leurs frontières de 1939! Pour l'URSS il donne un bilan de 700 000 victimes, pour les pays baltes un bilan de 200 00014. Répétons nous: à la page 767, Hilberg donne le bilan des pertes pour l'URSS explicitement dans ses frontières de 1939. Et ce bilan est de 700 000 et pas de 420 000, chiffre fabriqué et répété ad nauseam par Rassinier. Or Rassinier ne manque pas de faire référence à cette page à plusieurs reprises15. Rassinier sait donc parfaitement que le bilan des victimes juives d'URSS qu'il prête à Hilberg n'est pas et n'a jamais été celui de Hilberg! Mais cela ne saurait être une surprise: il a déjà falsifié les bilans donnés par Hilberg à d'autres occasions16.

Rassinier enfonce son clou, ou plutôt s'enfonce dans le mensonge...

Pourquoi Rassinier s'acharne-t-il a falsifier ces chiffres? Parce qu'une des stratégies principales de Rassinier, la disqualification de tous les travaux d'historiens sur le génocide des Juifs, consiste à « démontrer » qu'ils sont incohérents, ce qui conduit Rassinier à les rejeter tous...

Il est intéressant de citer ces diverses réflexions de Rassinier, après la démonstration de son escroquerie.

Ainsi il écrit:

« Dans la portion de Russie occupée par les troupes allemandes où les centres de documentation juive de Paris et de Tel-Aviv ont, d'un commun accord chiffré le nombre des juifs exterminés à 1.500.000 (Figaro Littéraire, 4 juin 1960) et l'Institut of Jewish Affairs World Jewish Congress (Eichmann's confederates and the Third Reich Hierarchy, déjà cité) à 1.000.000, M. Raul Hilberg n'en trouve que 420.000. Tout ceci ne fait pas très sérieux et j'ai un peu honte pour la corporation qu'à des professeurs spécialisés ces documents qui sont les mêmes pour tous parlent un langage si différent. »17.

Ainsi qu'on le constate, le manque de sérieux imputé aux historiens ne provient que des falsifications de Rassinier. Surtout, il est rigoureusement impossible de comparer ces bilans sans préciser avec rigueur à quelles frontières on les applique, ce que ne fait, évidemment, jamais Rassinier, si tant est qu'il cite ses autres sources avec honnêteté, ce dont on est évidemment fondé à douter.

L'acmée du délire arithmétique rassinien à propos du nombre de victimes en URSS est atteint dans un passage qu'il convient à présent de citer :

« M. Raul Hilberg qui trouve 3.020.000 juifs à la date de 1939 conclut à 420.000 exterminés et 2.600.000 survivants. [...] Le Centre mondial de documentation juive contemporaine trouve 1.500.000 exterminés [...] Sur les mêmes données l'Institute of Jewish Affairs de New-York trouve, lui, 1.000.000 d'exterminés et 2.000.000 de survivants [...] en somme, M. Raul Hilberg accuse l'Institute of Jewish Affairs d'avoir commis une exagération de 1.000.000 - 420.000 = 580.000 déportés exterminés dans sa statistique et le Centre mondial de documentation juive contemporaine d'en avoir commis une de: 1.500.000 - 420.000 = 1.080.000 dans la sienne. »18

Outre que Rassinier continue à marteler un chiffre issu de ses falsificatations à lui, Rassinier, et non de l'ouvrage de Hilberg, ce dernier « n'accuse » évidemment aucune institution de quoi que ce soit (et pour cause). Les différences entre diverses statistiques sont habituelles pour de tels événements et à réintégrer dans des comparaisons globales tenant compte des différentes définitions de frontières, ce que Rassinier ne fait pas. Sans doute en était-il parfaitement incapable...

Un dernier exemple de la confusion mentale (volontaire) de Rassinier peut-être donné. Il écrit:

« Où M. Raul Hilberg n'est plus d'accord, c'est avec lui-même : si, comme il le dit, 2.600.000 juifs russes ont été sauvés, comment peut-il soutenir (p. 190) que pour la Lettonie, la Lithuanie et la Russie, 1,5 million seulement se sont « échappés derrière les lignes russes » lors de l'avance des troupes allemandes ? Et comment, d'autre part, peut-il soutenir aussi comme il le fait dans sa statistique elle-même, qu'aucun des juifs lettoniens n'a survécu ? »19

On remarque une première répétition de la falsification de Rassinier sur la signification des 2 600 000 Juifs en URSS après la guerre. Contrairement à ce que Rassinier prétend (et implicitement prête à Hilberg), il ne s'agit pas de « juifs russes », ainsi qu'on l'a expliqué plus haut. On se reporte alors évidemment à la page 190 de l'ouvrage de Hilberg. Et on constate que si Hilberg écrit effectivement en 1961 que 1,5 million de Juifs ont fui, la région concernée n'est pas celle dont parle Rassinier (« Lettonie, la Lithuanie et la Russie »), mais comprend non seulement tous les états baltes (dont évidemment la Lituanie et la Lettonie, mais aussi l'Estonie), mais aussi le territoire polonais occupé par les Soviétiques et la Bukovine et la Bessarabie. En tout, précise Hilberg, un territoire qui comprenait quatre millions de Juifs20. La question de Rassinier n'a plus aucun sens: son accusation contre Hilberg d'être incohérent n'est que le résultat de ses falsifications à lui, Rassinier.

Résumé

Le sujet des Juifs d'URSS aura inspiré à Rassinier l'une des plus fortes concentrations de falsifications contenues dans son ouvrage. Il est intéressant de les présenter en vrac:

  •  

Rassinier n'a pas le droit de présenter le tableau de Hilberg comme permettant d'établir des nombres de victimes.

  •  

Rassinier prétend que Hilberg conclut à une perte de 420 000 Juifs pour l'URSS alors que Hilberg ne donne nulle part une telle évaluation, sortie tout droit d'un calcul de Rassinier. Ce que Rassinier se garde de préciser.

  •  

Rassinier prétend reproduire et exploiter le tableau de Hilberg mais dissimule le commentaire fondamental qui accompagne ce tableau, principalement sur les différences de frontières entre 1939 et 1945.

  •  

Rassinier ment en prétendant que 2 600 000 Juifs survivants en 1945 se rapportent à un total de 3 020 000 avant guerre.

  •  

Rassinier ment en prétendant que « 2 600 000 Juifs russes ont été sauvés » alors que ce chiffre comprend 300 000 Juifs réfugiés d'autres pays que l'URSS. Rassinier persiste dans le mensonge en utilisant ce chiffre frauduleux pour ses calculs.

  •  

Rassinier trafique de façon éhontée le tableau de Hilberg de façon à camoufler le fait que, pour l'URSS, les frontières de 1939 et de 1945 diffèrent et à ne pas tenir compte des pays baltes, malgré la prise en compte des pays baltes par Hilberg en 1945.

  •  

Rassinier dissimule le fait que Hilberg donne, dans un passage connu de Rassinier, une évaluation du nombre de victimes en URSS (et dans le pays baltes), évaluation parfaitement incompatible, évidemment, avec celle prêtée mensongèrement à Hilberg par Rassinier.

  •  

Rassinier multiplie sarcasmes et critiques envers les « incohérences » entre historiens à propos des bilans concernant l'URSS, mais n'aborde jamais la question des frontières, tout en utilisant un chiffre mensonger entièrement fabriqué par lui.

  •  

Rassinier falsifie ce qu'écrit Hilberg à propos de la fuite de 1,5 millions de Juifs.

Conclusion

Rassinier fabrique à coup de mensonges de toutes natures et de falsifications perverses des incohérences qu'il reproche ensuite avec hargne et condescendance à Hilberg et à d'autres historiens. On note en passant que contrairement à ce qu'il prétend il ne fait pas un travail d'historien. Il ne travaille pas avec les sources ou les documents. Il se contente de déblatérer, en usant d'arnaques scandaleuses, sur ce que les vrais historiens ont écrit.

L'exemple étudié ici montre surtout qu'un lecteur qui ne disposerait pas de l'ouvrage original de Hilberg ainsi que d'une bonne connaissance historique ne peut détecter les manipulations de Rassinier. Ce n'est pas parce que ce qu'affirme un négationniste apparaît crédible qu'il faut y accorder le moindre crédit. Il y a toujours une arnaque. Le lecteur ne devra jamais prendre au sérieux la moindre affirmation d'un Rassinier, la moindre affirmation d'un négationniste.
                     



Notes.

1. Paul Rassinier, Le Drame des Juifs européens, les Septs Couleurs, 1964. Pour des introductions aux falsifications arithmétiques de Rassinier, voir: http://www.phdn.org/negation/rassinier/hilbergbilan.html, http://www.phdn.org/negation/rassinier/hilbergcamps.html et http://www.phdn.org/negation/rassinier/hilbergsimferopol.html

2. Raul Hilberg, The Destruction of the European Jews, Quadrangle Books, 1961. Une version remaniée et enrichie est parue en français en 1988, La destruction des Juifs d'Europe, Fayard, 1988. Hilberg est la cible principale des falsifications de Rassinier (voir note 1)

3. Paul Rassinier, Le Drame des Juifs européens, op. cit., p. 22.

4. Ibid., p. 125.

5. Ibid., p. 176. C'est Rassinier qui parle de « Russie », terme que n'emploie jamais Hilberg...

6. Raul Hilberg, The Destruction of the European Jews, op. cit., p. 670. On trouvera aussi ce tableau quasiment inchangé (chiffres ajustés notamment pour la Roumanie, l'URSS), ainsi que les commentaires qui l'accompagnent dans l'édition française de l'ouvrage de Raul Hilberg, La destruction des Juifs d'Europe, op. cit., p. 903.

7. http://www.phdn.org/negation/rassinier/hilbergbilan.html

8. En fait, Hilberg donne des chiffres pour l'année 1945, et non 1946 (voir plus bas et note 7)

9. 355 000 Juifs on pu fuir dans des pays hors de portée des Nazis entre 1939 et 1945 d'après Raul Hilberg, The Destruction of the European Jews, op. cit., p. 717. Rassinier a, à une autre occasion, falsifié Hilberg en « oubliant » cette catégorie de survivants.

10. Raul Hilberg, The Destruction of the European Jews, op. cit., p. 670. On pourra trouver la même note dans l'édition française: Raul Hilberg, La Destruction des Juifs d'Europe, op. cit., p. 903.                     

11. Il s'agit du chiffre du recensement de janvier 1939, ne tenant évidemment pas compte des territoires incorporés ultèrieurement (Mordechai Altshuler, Soviet Jewry on the Eve of the Holocaust, Jerusalem, The Center for Research of East European Jewry, 1998, p. 2-7, cité par Laurent Rucker, Staline, Israël et les Juifs, Puf, 2001, p. 62).

12. Raul Hilberg, The Destruction of the European Jews, op. cit., p. 190. Hilberg donne le détail: 260 000 pour les pays baltes, 1 350 000, pour les territoires polonais et 300 000 pour la Bukovine et la Bessarabie. Ces chiffres figurent à la page 252 de l'édition française de 1988.

13. Voir note 11.

14. Raul Hilberg, The Destruction of the European Jews, op. cit., p. 767. Ce tableau est reproduit à l'adresse suivante: http://www.phdn.org/negation/rassinier/hilbergcamps.html. Un tableau analogue est présenté dans l'édition françaises aux pages 1045-1046.

15. Paul Rassinier, op. cit., p. 16, 22, 32, 75, 111.

16. http://www.phdn.org/negation/rassinier/hilbergcamps.html et http://www.phdn.org/negation/rassinier/hilbergbilan.html

17. Paul Rassinier, op. cit., p. 22.

18. Ibid., p. 176-177.

19. Paul Rassinier, op. cit., p. 125.

20. Raul Hilberg, The Destruction of the European Jews, op. cit., p. 190.
 

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04/12/2001