1. Ed. Les Sept Couleurs, 195 p. 2. Ed. La Pensée Libre, 195 p. 3. Ed. Les Sept Couleurs, 270 p. 4. Il donne au mot «fascisme» son sens global et non pas son sens spécifique, c’est-à-dire italien. 5. Nuremberg ou la terre promise, p. 69. 6. A propos de Rassinier, voir l’article de R. LEWIN, «Paul Rassinier ou la conjonction des extrêmes», in Silex, no 26, 1984. 7. Nuremberg ou la terre promise, p. 23. 8. Nuremberg ou la terre promise, p. 2. 9. Nuremberg ou la terre promise, p. 175. 10. Qu’est-ce que le fascisme ?, pp. 50-51. 11. Qu’est-ce que le fascisme ?, pp. 82-83. 12. Qu’est-ce que le fascisme ?, pp. 24-25. 13. Qu’est-ce que le fascisme ?, p. 18. 14. Qu’est-ce que le fascisme ?, pp. 53 et 56. 15. Qu’est-ce que le fascisme ?, pp. 61-62. 16. «La démocratie n’est nullement l’exercice du pouvoir par le peuple. comme le croient les naïfs […] Elle est devenue l’exercice du pouvoir par les groupes politiques et financiers qui se sont partagés depuis cinquante ans le pouvoir réel en se servant comme homme de paille des politiciens démocratiques […] Ces groupes représentent le règne de l’étranger dans notre pays. (Défense de l’Occident, 1959, no 59, pp. 5-6). 17. Défense de l’Occident, 1958, no 54, pp. 39-40. 18. Qu’est-ce que le fascisme ?, p. 39. 19. Défense de l’Occident, 1957, no 46, p. 6. 20. L’œuf de Christophe Colomb, Les Sept Couleurs, 1951, 220 p., p. 135. 21. L’œuf de Christophe Colomb, p. 138. 22. L’œuf de Christophe Colomb, p. 159. 23. On a retrouvé cet attachement à l’idée européenne chez les intellectuels de la Nouvelle Droite animée par Alain de Benoist, et ils ont construit un corpus très cohérent et assez intéressant qui s’exprime en plusieurs courants un peu différents: régionalisme européen, préférence soviétique par anti-américanisme, troisième voie radicalement indépendante. etc… Cf. DESBUISSONS G., La Nouvelle Droite (1968-1984). Contribution à l’étude des idées de droite en France, thèse de doctorat, Grenoble, 1984. 24. L’œuf de Christophe Colomb, p. 195. 25. L’œuf de Christophe Colomb, p. 193. 26. L’œuf de Christophe Colomb, p. 194. Bardèche adopte la distinction, classique depuis Maurras, entre son antisémitisme, dit «de raison», et l’antisémitisme «de peau». 27. Qu’est-ce que le fascisme ?, p. 45. 28. Qu’est-ce que le fascisme ?, p. 35. 29. Qu’est-ce que le fascisme ?, p. 101. 30. Qu’est-ce que le fascisme ?, p. 99. 31. Suzanne et le taudis, Plon, 1957, 220 p., pp. 129-130. 32. Paris, Fayard, 1984, pp. 199-221. 33. La tentation néo-fasciste en France, p. 221. 34. Défense de l’Occident, 1962, no 22, p. 36. 35. Curieusement, le nom de Bardèche n’est même pas cité dans la liste des intellectuels fascistes dressée par les journalistes du magazine Globe, dans leur numéro consacré au «fascisme à la française» (no 21, octobre 1987).

Maurice Bardèche, écrivain et théoricien fasciste ?

Par Ghislaine Desbuissons

Revue d’histoire moderne et comptemporaine, tome 37, n°1, janvier-mars 1990

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«Je suis un écrivain fasciste…» C’est par cette tranquille provocation que commence un petit livre qui est considéré comme une des bases du corpus idéologique de l’extrême-droite d’après-guerre. Publié en 1961, Qu’est-ce que le fascisme ?1 place son auteur, Maurice Bardèche, parmi les idéologues du néo-fascisme et marque toute une génération d’extrémistes, qui saluent en lui un grand écrivain politique, digne successeur de Maurras, Drieu La Rochelle, ou Brasillach. Il est vrai que le style emporté, les images à la fois fortes et naïves que Bardèche emploie, la simplicité et l’apparent «bon sens» de ses arguments vont rapidement conquérir une large frange de l’extrême-droite qui cherche, dans les années qui suivent la Seconde Guerre mondiale, à sortir de la marginalité dans laquelle elle est enfermée. Maurice Bardèche, qui invoque souvent le souvenir de son beau-frère, Robert Brasillach, le «poète assassiné», refuse de se taire et publie quelques petits livres, pleins de hargne, de colère et de ressentiment contre ceux qui ont fait son malheur et celui de sa famille, contre ceux qui «mentent» et qui «falsifient l’histoire», contre ceux qui ont fait croire à de «bons Français» qu’ils avaient été traîtres à leur patrie. Après sa Lettre à François Mauriac2, publiée en 1947, où il attaque avec violence la législation de l’épuration et soutient que le gouvernement de Vichy incarnait le sens de la discipline et le maintien de l’unité nationale indispensables en temps de guerre, Maurice Bardèche applique, l’année suivante, la même analyse à la juridiction de Nuremberg dans laquelle il voit une législation de circonstance, improvisée par des vainqueurs qui ont aussi des crimes de guerre à se reprocher, et reposant sur des principes qui ruinent l’autorité de l’Etat. Pour ce second livre, Nuremberg ou la terre promise3, Bardèche fut arrêté, jugé, condamné à la prison puis grâcié. Comme il le dit lui-même, Maurice Bardèche, ivre de colère et de tristesse, se transformait, de paisible observateur qu’il était avant-guerre, en un «mouton enragé», qui proclame sa vérité et crée, pour la diffuser, une maison d’éditions, «Les Sept Couleurs», en 1948, et une revue «politique et littéraire», au titre déjà révélateur de Défense de l’Occident, dont le premier numéro paraît en décembre 1952. Il participe également à la fondation du Mouvement Social Européen (mai 1951) qui regroupa de manière éphémère un certain nombre de mouvements néo-fascistes européens. Parallèlement à une activité politique qui va aller en déclinant, Maurice Bardèche a poursuivi sa carrière de critique littéraire en publiant divers essais sur Proust, Flaubert, Stendhal, Céline, et surtout Balzac…

Il est difficile de cerner la place qu’occupe ou qu’a occupée Maurice Bardèche dans le panorama des idées politiques contemporaines ; il est évident que son rôle n’a pas été négligeable puisqu’il a publié de nombreux ouvrages et qu’il a animé pendant trente ans une revue politique dans laquelle ont écrit la plupart des animateurs de l’extrême-droite d’après-guerre. Pourtant, son action politique n’a débouché sur aucun projet précis et, peu à peu, ses collaborateurs l’ont quitté pour créer leurs propres mouvements ; c’est le cas, par exemple, de Pascal Gauchon, qui a fondé avec d’autres jeunes intellectuels, le Parti des Forces Nouvelles, ou d’Alain de Benoist qui a préféré s’orienter vers une réflexion métapolitique avec le G.R.E.C.E. (Groupement de Recherche et d’Etude pour la Civilisation Européenne) et la «Nouvelle Droite». Ces abandons ne témoignent-ils pas d’une certaine impuissance de Maurice Bardèche à susciter une doctrine suffisamment solide pour rassembler les énergies d’extrême-droite de manière durable ? Sa culture étendue d’universitaire, son style agréable et une certaine originalité dans la formulation de ses idées ont fait de Bardèche un des principaux idéologues du néo-fascisme français et européen (puisque ses ouvrages ont été traduits en italien, en allemand, etc.), mais il semble exagéré d’en faire un des grands théoriciens de la pratique politique car nous allons voir que, s’il a élaboré un type idéal du fascisme, il n’a pas cherché à en fixer les modalités d’application.

Même si ses opinions politiques forment la trame de presque tous ses livres, c’est surtout dans son ouvrage Qu’est-ce que le fascisme ? que Maurice Bardèche essaie de définir son fascisme; il le fait de manière parfois confuse, et certaines de ses prises de position peuvent apparaître cohérentes dans leur généralité mais contradictoires dans le détail.

Dans un premier temps de sa réflexion, qui correspond à sa Lettre à François Mauriac où il laisse éclater toute sa révolte devant l’épuration qui a suivi la libération du territoire, Bardèche ne construit pas de véritable définition du fascisme, mais il tente de réduire la charge négative du mot «fascisme» et de rendre son contenu politique anodin4. Pour cela, il revient à plusieurs reprises sur l’idée selon laquelle les reproches faits au fascisme ne sont pas fondés. D’abord, il minimise la responsabilité de Hitler dans la marche à la guerre car, pour lui, et il reprend là les thèses des milieux d’extrême-droite d’avant-guerre, les vrais responsables de la Deuxième Guerre mondiale, ce sont les Juifs, qui ont tout fait pour qu’elle éclate : «Si Hitler a bien attaqué la Pologne, d’autres hommes, avec angoisse, attendaient cette attaque, souhaitaient cette attaque, priaient pour qu’elle eût lieu. Ces hommes s’appelaient Mandel, Churchill, Hare Balisha, Paul Reynaud. L’alliance judéo réactionnaire voulait “sa guerre”, qui était pour elle une guerre sainte, elle savait que seule une agression caractérisée lui permettrait d’entraîner l’opinion»5. Maurice Bardèche adresse le même reproche à l’Angleterre, coupable de ne pas avoir pratiqué de politique d’apaisement face aux exigences hitlériennes (!) Mais il met plus spécialement l’accent sur la question des crimes commis par les Allemands et, dès son premier livre, en 1946, il émet des réserves quant à leur réalité; plus tard, il niera ouvertement l’existence des chambres à gaz et sera l’éditeur de deux ouvrages de Paul Rassinier, le premier auteur «révisionniste»6 :

«On eut la bonne fortune de découvrir en janvier 1945 ces camps de concentration dont personne n’avait entendu parler jusqu’alors et qui devinrent la preuve dont on avait précisément besoin […] On les photographia, on les filma, on les publia, on les fit connaître par une publicité gigantesque, comme une marque de stylo. […] le rideau fut si habillement, si brusquement dévoilé, que personne n’osa dire que tout cela était trop beau pour être parfaitement vrai»7.

Parallèlement à la remise en cause des crimes nazis, Maurice Bardèche dresse un véritable réquisitoire contre les Alliés, coupables d’atrocités telles que les bombardements de Dresde, d’Hiroshima et de Nagasaki ou les exécutions de l’épuration. «Les bombes au phosphore valent bien les camps de concentration»8.

Ce jugement le conduit donc naturellement à nier la légitimité du tribunal de Nuremberg, tout d’abord parce que «si les Allemands ont commis des crimes, les hommes qui ont couvert et provoqué les atrocités de la Libération ne sont pas qualifiés pour s’ériger en juges»9, mais aussi, et peut-être surtout, parce que le procès de Nuremberg lui paraît grave de par la signification politique qu’il revêt. Pour Bardèche, en effet, c’est en définitive sur le programme du parti nazi qu’est portée la condamnation bien plus que sur les crimes commis, et cela lui semble être un insupportable danger pour les souverainetés nationales :

«Le monde est désormais démocratique à perpétuité. Il est démocratique par décision de justice. Désormais, un précédent judiciaire pèse sur toute espèce de renaissance nationale […] La décision de Nuremberg consiste à faire une sélection préalable entre les partis. Les uns sont légitimes et les autres suspects»10.

Dans sa méthode de réflexion, Bardèche procède presque uniquement par retournement des concepts qui semblent évidents à tous : le juge devient l’accusé, le vrai devient le faux, etc… Comme il le dit alors, notre auteur est une «mouche au plafond», qui voit les choses à l’envers.

C’est surtout dans ses premiers livres qu’il procède de la sorte et qu’il oppose systématiquement les termes deux à deux : mensonge / vérité, justice / injustice, réalité / fiction, etc., et cela donne un côté très manichéen à son discours.

Après avoir demandé que le fascisme soit considéré non plus comme une ignominie mais comme une option politique possible parmi d’autres, Maurice Bardèche va tenter de donner une définition du fascisme tel qu’il le souhaite. Il ne construit pas son corpus doctrinal en ajoutant l’un après l’autre tous les éléments constitutifs de sa «vue du monde», mais procède de manière rigoureusement inverse, en rejetant ce dont il ne veut pas, en ne gardant que certaines pièces du puzzle d’origine; pièces qui ne forment ensuite aucun dessin précis lorsqu’on les rassemble de nouveau.

Tout d’abord, il s’efforce de dresser un bilan critique des expériences fascistes d’avant-guerre, en examinant ce qu’il convient de retenir pour l’avenir, ou ce qui doit être rejeté :

«Je ne vois pas pourquoi la définition du fascisme devrait seule être enfermée dans les moules que lui ont imposés les circonstances […] Nous avons le droit […] de nous réclamer des corrections de l’expérience et de signaler les déviations ou les interprétations erronées du fascisme comme d’autres condamnent et dépassent les conceptions périmées de la démocratie, de la monarchie ou du communisme»11.

Cela signifie qu’il ne considère pas les fascismes d’avant-guerre comme de «vrais fascismes», des modèles à suivre, mais comme des essais, bien imparfaits, qu’il convient de ne pas juger puisqu’ils ont été dévoyés par les circonstances de leur application.

Ainsi, le national-socialisme n’eut pas le temps d’être réalisé. Hitler arrive au pouvoir en 1934 et dès 1938 il abandonne à ses collaborateurs la réalisation des réformes et se consacre entièrement à la préparation d’une guerre qu’il juge inévitable.

«A partir de la guerre, les nécessités implacables de la lutte contre une coalition mondiale […] changent entièrement le caractère du régime […] Dés lors, le procès qu’on fait habituellement au national-socialisme risque d’être complètement faussé. On met en accusation une doctrine et on la juge sur les résultats qu’elle a produits dans une période de fonctionnement anormal»12.

De la même façon, Maurice Bardèche regrette la «jeunesse» du fascisme italien — «Mussolini devenu Duce, proclamé infaillible […] perd à mes yeux tout le charme du petit instituteur socialiste devenu conducteur de son peuple»13 — et il ne retrouve le «vrai visage du fascisme», ou plutôt du fascisme selon son cœur, que dans le programme de la fantomatique République de Salo, en 1944, lorsque Mussolini opéra un retour à ses sources doctrinales : confiscation des grandes fortunes, partage des terres, association en faisceau du capital et du travail, etc…

Par une habile et très artificielle opération de «chimie», Bardèche va donc épurer les fascismes de toutes les déviations subies du fait de l’exercice du pouvoir ou des circonstances, considérant par là ces déviations comme essentiellement étrangères à l’idée fasciste elle-même. Il refuse de croire que certaines «perversions» sont inhérentes à la doctrine fasciste et il échafaude un «fascisme» idéal, irréprochable, d’une pureté toute virginale.

Cette méthode est très artificielle et elle aboutit, en plus, à un paradoxe puisque Bardèche reconnaît par ailleurs que le fascisme est typiquement un régime de crise; or il apparaît inéluctable qu’un régime de crise dévie, ne serait-ce, justement, que sous la pression des circonstances.

C’est selon la même démarche que Bardèche aborde, sans s’y attarder d’ailleurs, le problème du racisme national-socialiste :

«Aucun lien logique, nécessaire, automatique, ne relie le fascisme au racisme […] Nous devons combattre la propagande essentiellement politique qui assimile le fascisme et l’antisémitisme systématique […] Il peut exister des fascismes modérés»14.

Maurice Bardèche a-t-il oublié les pages de Mein Kampf dans lesquelles le racisme, et plus précisément l’antisémitisme, étaient présentés explicitement comme un fondement du projet hitlérien ? Cette position théorique semble d’autant plus étonnante qu’il reconnaît également être lui-même mtisémite, comme nous le verrons plus loin.

Même s’il rejette tous les fascismes d’avant-guerre à cause de leur imperfection, Bardèche n’éprouve pas, à leur égard, des sentiments identiques. Il s’intéresse assez peu au fascisme italien, auquel il ne consacre que quelques pages dans Qu’est-ce que le fascisme ?, mais il est plus prolixe à propos de l’Allemagne nazie et son discours, même s’il est dans l’ensemble assez critique, témoigne cependant d’un mélange de fascination et d’incompréhension. Bardèche reconnaît en effet que le national socialisme est une «doctrine étrange», purement germanique donc «inexportable», mais il reste, à l’image d’un Brasillach visitant l’Allemagne hitlérienne, fasciné par les manifestations d’enthousiasme populaire, les «cathédrales de lumière» des congrès de Nuremberg, et par le spectacle de la jeunesse allemande «belle et radieuse», symboles de la communion d’un peuple avec son chef.

En définitive, et c’est très révélateur, le seul doctrinaire dont Maurice Bardèche admet les idées à peu près sans restrictions, ce n’est ni Hitler, ni Mussolini, mais José Antonio Primo de Rivera, le jeune chef de la Phalange espagnole. Deux remarques permettent de mieux comprendre les raisons qui font de ce chef politique un modèle pour notre auteur : tout d’abord, son destin tragique l’a préservé de l’amertume du pouvoir et des compromissions de la guerre; ensuite, José Antonio n’a jamais manqué une occasion de dire qu’il n’était pas fasciste, au sens où les Italiens et les Allemands entendaient ce mot, et Bardèche souligne :

«Il voyait dans le Phalangisme un mouvement propre à l’Espagne qui avait certains principes communs avec le fascisme italien et le national-socialisme allemand, mais qui n’en avait ni les méthodes ni l’esprit. Malgré ces restrictions, c’est lui pourtant qui a défini avec le plus de force ce fond commun que les autres expériences ont altéré et qui constitue l’essentiel de ce que les survivants du fascisme appelèrent le fascisme»15.

Malgré cette évidente sympathie, Maurice Bardèche semble retenir finalement assez peu de choses du programme de la Phalange ou, au moins, ne revendique-t-il pas cet héritage comme tel ; outre l’idée que le fascisme constitue une évidente protestation contre la cruauté et l’hypocrisie du monde moderne, il relève surtout la condamnation simultanée, «comme deux faces de la même fausse monnaie», du libéralisme et du capitalisme, et, en citant longuement José Antonio Primo de Rivera, il fait sienne sa conception du socialisme dirigiste seul capable de faire cesser le développement de l’égoisme, de l’avidité et de l’exploitation du travailleur par le capitalisme.

Même s’il souscrit avec enthousiasme à une partie du programme phalangiste, Maurice Bardèche n’est pas dupe, et il se demande, avec lucidité, si ce programme aurait pu être appliqué en entier ou même partiellement, dans l’Espagne franquiste et/ou résister au poids des circonstances ainsi qu’à l’usure du temps.

Il montre là un souci d’indépendance évident car, dans les années soixante (et même encore aujourd’hui), beaucoup de néo-fascistes voient dans le programme de la Phalange un «catéchisme» valable en tout temps et en tous lieux et le reprennent intégralement à leur compte.

C’est avec la même volonté d’indépendance que Bardèche va construire sa doctrine fasciste, ou plutôt son rêve fasciste, qui tente de saisir les nuances d’un état d’âme plutôt que de rassembler les éléments d’une théorie politique.

Pour Bardèche, qui refuse le monde moderne, démocratique, capitaliste, il y a trois caractéristiques essentielles dans le fascisme : c’est un régime socialiste, hiérarchique et national. Par le socialisme, il s’oppose à la puissance de l’argent dans les démocraties modernes16, prend en charge la protection du travailleur et la justice sociale, établit un pouvoir contre lequel l’argent échoue parce qu’il ne repose ni sur les élections, ni sur la pluralité des partis , ni sur aucun des mécanismes par lesquels les démocraties modernes se trouvent à la merci des puissances financières :

«Le fascisme est non pas le contraire de la démocratie […] mais un des aboutissements de la démocratie elle-même […] La revendication de la justice sociale est essentielle à l’esprit fasciste, non seulement parce que le fascisme est au service du peuple mais parce que le contrôle de toutes les forces nationales ne peut avoir pour résultat et pour objet que de faire du peuple le bénéficiaire des moyens retirés à ceux qui les usurpent. Tout fascisme véritable est, en réalité, de gauche, pour employer notre stupide vocabulaire politique actuel»17.

Ce renversement droite-gauche n’est ni nouveau, ni original puisque les fascismes des années trente insistaient déjà, au moins à leurs débuts, sur le côté populaire et anti-ploutocratique de leurs programmes. Le socialisme-nationaI — noter aussi l’inversion des termes — de Maurice Bardèche va nécessairement, comme pour beaucoup de néo-fascistes français, jusqu’à la nationalisation ou au contrôle de tranches entières de l’industrie nationale.

Le fascisme est aussi un régime hiérarchique parce qu’il repose sur l’idée que seule une «minorité consciente de l’intérêt national» peut diriger la nation. Cette élite représente, pour Bardèche, ce qu’il y a de meilleur dans le peuple parce qu’elle groupe «les éléments physiquement les plus sains, moralement les plus purs, politiquement les plus conscients de l’intérêt de la nation». Cette minorité va donc se substituer au peuple lui-même en ayant le pouvoir d’approuver à sa place et de réaliser en son nom et, pour Bardèche, cela constitue la négation la plus frappante du credo démocratique, «fondé sur la toute-puissance du nombre»; mais, pour dissiper l’inquiétude qui peut naître à la lecture de sa proposition, il ajoute aussitôt, en insistant beaucoup, sur le devoir qu’a cette élite d’être au service du peuple tout entier et de faire preuve de générosité et de dévouement envers ceux qui sont plus faibles ou moins doués. Cette idée n’est pas vraiment originale car la plupart des néo-fascistes (ou des intellectuels d’une sensibilité politique différente), qui souhaitent une société et/ou un mode de gouvernement ouvertement élitaires ou élitistes, semblent croire, ou veulent croire, qu’il est possible de retrouver un mythique «idéal de chevalerie». Il est significatif de remarquer que Maurice Bardèche utilise assez souvent l’expression de «contrat féodal» lorsqu’il évoque son élite.

Dans ses livres, à de nombreuses reprises, il prend exemple sur l’idéal de la S.S mais déplore l’utilisation qui a été faite de ce corps d’exception :

«C’est dans l’utilisation de cette élite que l’Etat national-socialiste a commis de très graves erreurs. Par un contresens politique complet, il a laissé la direction des S.S se fourvoyer dans des besognes de police et de garde-chiourmes»18.

Bardèche ne précise absolument pas selon quels modes de sélection l’élite dont il rêve pourrait être choisie et il privilégie, en fonction des exemples qu’il donne, tantôt des critères de force physique et de courage, tantôt des critères moraux et des qualités humaines. Une chose est certaine, cependant, cette élite passe obligatoirement, semble-t-il, par un «sas de sélection» qui est de nature politique et qui nécessite donc une affiliation à un parti.

Enfin, «le fascisme est un régime national qui a pour but la force de la nation, parce que cette force est la seule garantie de son indépendance»19. Cette proposition est classique mais on ne saurait y voir la marque d’un nationalisme étroit, puisque Maurice Bardèche ne raisonne pas dans le cadre des frontières françaises mais européennes. Pour lui, le temps du nationalisme frileux est révolu :

«Nous pensons que la tâche des hommes de notre génération est de réaliser un bloc des pays d’Europe, un bloc militairement et politiquement fort, où nous serons maîtres chez nous, d’où les agents de l’étranger seront exclus et qui ne fera pas la politique des autres mais sa propre politique»20.

Il pose comme condition préalable au succès de son projet l’arrivée au pouvoir, dans chacun des Etats d’Europe, de ce qu’il appelle les «forces nationales»«le dépassement du nationalisme, seuls les nationalistes peuvent le faire»21 — qui auront pour mission de trouver une «mystique nouvelle» pour l’Europe ainsi que de réaliser ce qui doit être la base de la future communauté européenne, à savoir la réunification de l’Allemagne et la réconciliation de cette Grande Allemagne avec la France. L’Europe ainsi constituée offrira le modèle d’une «troisième voie» entre la démocratie capitaliste et le communisme et elle devra, en s’appuyant sur une armée puissante et une économie pratiquement autarcique, se montrer résolument indépendante vis-à-vis de ces deux courants politico-économiques, aussi redoutables l’un que l’autre aux yeux de Bardèche :

«Je crois à l’Europe à condition qu’elle soit l’Europe et qu’elle n’obéisse ni à Washington, ni à Moscou»22.

Cette idée de «troisième voie» européenne est assez répandue à l’extrême-droite, et ce dès avant la Deuxième Guerre mondiale (par exemple chez Drieu La Rochelle)23, mais Maurice Bardèche a souvent reproché à ses camarades néo-fascistes de ne concevoir l’Europe qu’en théorie et de retrouver leurs vieux tics nationalistes à la première occasion. Cela lui semble d’autant plus grave que seule l’unité européenne réalisée dans les faits et dans les esprits pourrait, selon lui, éviter aux Etats d’Europe deux dangers qui menacent leur intégrité : l’action de sape des partis communistes ainsi que l’influence néfaste des étrangers (et il entend surtout par là les Juifs ) sur notre sol. C’est dans un livre intitulé L’œuf de Christophe Colomb, lettre ouverte à un sénateur d’Amérique, publié en 1951, que Bardèche s’inquiète de ces deux dangers et le ton très alarmiste qu’il emploie pour parler de la menace communiste s’explique aisément lorsque l’on sait que ce livre a été écrit et publié en pleine «guerre froide». Maintenant, ce discours nous semble très anachronique, révélateur de l’esprit d’une époque mais tellement exagéré quand on se réfère à la situation actuelle du parti communiste !

Si le discours vis-à-vis des communistes a perdu de son importance, celui qui stigmatise l’influence des étrangers, et surtout des Juifs, dans notre pays reste, dans l’esprit de Bardèche, absolument primordial. En effet, même si, comme nous l’avons vu, il affirme que le racisme n’est pas un élément obligatoire du fascisme, il reconnaît ouvertement être antisémite par refus du «pouvoir juif» sur l’économie et la politique occidentales. Bardèche reprend les accusations formulées par les milieux d’extrême-droite d’avant-guerre telles qu’on pouvait les lire dans la presse antisémite et que l’on peut schématiquement résumer ainsi : les Juifs, apatrides, possèdent la richesse, donc l’influence, et, en dirigeant de façon occulte les milieux politiques et financiers, ils exploitent les habitants des pays qui les accueillent; ils sont donc responsables de la misère ouvrières ainsi que des succès remportés par le parti communiste, seul recours des opprimés. Bardèche reste fidèle à ce vieux cadre théorique lorsqu’il dit :

«…Si nous avions les banques, la presse et la police, trois forces qui en ce moment ne sont plus entre nos mains, le communisme disparaitraît en trois ans de tous les pays d’Occident.»24

Il propose, pour «rendre la France aux Français», d’appliquer aux étrangers «l’équivalent de ce que fut dans notre histoire l’Edit de Nantes» :

«L’objectif essentiel n’est pas d’éliminer ces étrangers mais de constater leur qualité d’étrangers. Ce n’est pas à leur vie et à leurs biens que nous en voulons, c’est à leur influence. Que certains d’entre eux restent chez nous en qualité d’hôtes, sans pouvoir se mêler de notre vie politique et sans occuper des places qui peuvent être en rapport avec la conduite de nos affaires.»25

Même s’il envisage cette solution modérée, ce que souhaite en fait Maurice Bardèche, c’est le départ des Juifs de notre pays et il exprime le vœu «qu’ils trouvent dans quelque terre lointaine une patrie qui leur sera propre et qui seule les mettra définitivement à l’abri des persécutions et des massacres»26.

A propos du problème actuel de l’immigration, Maurice Bardèche s’est réjoui, à l’occasion d’une longue interview qu’il nous a accordée, des progrès accomplis par le Front National de Jean-Marie Le Pen, avec lequel il est «d’accord sur tout» mais auquel il reproche cependant d’avoir un programme trop flou sur certains points et d’éviter la question juive, qui lui paraît, à lui, capitale.

Dans ses grandes lignes, la doctrine fasciste de Maurice Bardèche est relativement classique et beaucoup de néo-fascistes français et européens ont un discours pratiquement identique; Bardèche est plus original lorsqu’il se démarque de certaines pratiques liées traditionnellement à l’exercice du pouvoir fasciste comme, par exemple, le Führerprinzip, la nécessité d’un parti unique, etc… En effet, alors que la plupart des groupes d’extrême-droite reproduisent dans leur organisation et dans leurs programmes les modes de fonctionnement des fascismes d’avant-guerre, notre auteur souhaite innover et propose d’autres principes de gouvernement. Même s’il reconnaît que le Führerprinzip, qui a pour objet de faire naître une volonté collective de discipline, est le moteur du régime national-socialiste, il s’inquiète «qu’un seul homme puisse prendre, sans consulter personne, des décisions graves, parfois dramatiques qui engagent dangereusement l’avenir d’une nation»27.

Il souhaite plutôt une direction collégiale ainsi qu’un partage réel des responsabilités et des pouvoirs au sein de l’équipe dirigeante et il conjure les néo-fascistes de renoncer, une fois pour toutes, au mythe du «chef providentiel», source de tant de déconvenues et d’échecs. Bardèche affirme également que le fascisme ne s’accompagne pas obligatoirement de la suppression totale des libertés ; il veut croire qu’il est possible de laisser aux individus une totale liberté de pensée et refuse l’idée du parti unique, parce qu’il incarne une contrevérité, à savoir l’unanimité du peuple derrière son chef et qu’elle conduit à la sclérose. Il ne retient cette formule du parti unique que si elle s’accompagne d’un sévère processus de sélection des militants et il reprend, à ce propos, l’exemple du parti communiste, conçu comme une organisation d’élite :

«Cette élite civique […] n’a rien de commun avec le parti unique tel que l’Allemagne hitlérienne l’avait conçu, impressionnant par le nombre mais inefficace, pesant, abritant tout, se superposant à tout et produisant finalement un pullulement d’abus et de mandarinats.»28

L’opinion de Maurice Bardèche semble être assez fluctuante puisqu’il parle, selon les occasions, d’un «chef» ou d’une «équipe», du «parti» ou «des partis». Sans doute a-t-il deux façons d’envisager le futur du fascisme : tel qu’il pourrait être et tel qu’il devrait être.

La remise en question du Führerprinzip et du parti unique n’est pas le seul trait qui sépare Bardèche de la majorité des fascistes d’après guerre, car il dresse un bilan sans complaisance, plein d’ironie et de désillusion, des échecs et des insuffisances du néo-fascisme français. Il déplore d’abord l’excessif particularisme des formations fascistes, «c’est la pente de toutes les sectes»29, et note : «… un grand malheur du fascisme fut que Hitler ait commencé sa carrière avec un groupe de neuf compagnons. Ces miracles que l’Histoire répète rarement font naître des illusions»30. Il s ’inquiète surtout du despotisme intellectuel qui règne dans la plupart des groupuscules d’extrême-droite et dresse un portrait saisissant des néo-fascistes :

«Les uns avaient des bottes, ils connaissaient les runes et campaient aux nuits du solstice pour chanter sous les étoiles les beaux chants graves de leurs aînés. Les autres n’avaient pas de bottes, ils dressaient sévèrement leurs têtes maigres de réformateurs, portaient des lunettes, collectionnaient les fiches et faisaient des discours furieux […] Pourquoi faut-il qu’ils aient tous, au fond d’eux-mêmes […] , une si grande envie de couper des têtes et, pour commencer, celles de leurs propres partisans ? […] Ils ne connaissent pas assez le prix de la tolérance et sa nécessité dans l’action […] Le ver de la discipline les détruit comme le termite ronge les poutres. A les voir si absolus, je ne suis pas trop rassuré sur ce qu’ils feraient s’ils pouvaient un jour tailler dans la pâte humaine»31.

Enfin, Maurice Bardèche stigmatise la pauvreté doctrinale et le simplisme des mots d’ordre de l’extrême-droite et, pendant trente ans , il s’efforça de pallier ces carences en multipliant les «articles de fond» dans sa revue Défense de l’Occident. Ce travail doctrinal n’a jamais abouti à la construction d’un parti politique dont Bardèche aurait été le chef parce que celui-ci n’a jamais été séduit par l’action politique et qu’il n’a pas non plus tenté de définir avec précision les modalités d’application de son fascisme. On peut d’ailleurs se demander s’il est applicable car il est tellement «parfait», il représente tellement le «type idéal » du fascisme qu’il revêt tous les caractères d’une utopie.

Dans son livre, La tentation néo-fasciste en France32, Joseph Algazy consacre plusieurs pages à l’analyse des idées de Maurice Bardèche et il voit en lui «l’idéologue le plus dangereux du néo-fascisme français et européen»33. Il est nécessaire de nuancer ce jugement car si, effectivement, Bardèche a tenté de rendre le fascisme «acceptable» et de lui donner tous les caractères d’une option politique ordinaire, il n’a pas pu, ou su, ou voulu, susciter autour de ses idées une mobilisation politique efficace. La vision qu’il a du fascisme a provoqué des enthousiasmes mais, assez vite, ses collaborateurs, ses «disciples» l’ont quitté pour fonder leurs propres mouvements et Bardèche n’a pas réussi à faire sortir l’extrême-droite du ghetto dans lequel elle était enfermée avant les succès électoraux de Jean-Marie Le Pen. II «rêve» son fascisme mais, curieusement, ne semble pas du tout concerné par sa mise en application.

Finalement, ce qui lui importe vraiment, ce n’est pas la résurrection d’une doctrine ni d’une certaine forme de l’Etat, c’est le retour à un certaine définition de l’homme et à une hiérarchie précise des valeurs fondamentales. En effet, dans chacun de ses livres, Maurice Bardèche s’attache à cerner une «manière d’être» , un «état d’esprit» propres, selon lui, au fascisme et donne une définition de l’homme qui se réfère à la morale commune, tout en empruntant beaucoup aux exemples de la culture classique, et qui peut se résumer à un ensemble de qualités qu’il est indispensable de posséder. Il place en premier les «qualités du soldat», le courage, la loyauté, le respect de la parole donnée, la discipline et la fidélité — puis les «qualités du citoyen», qui sont souvent les mêmes mais qui se regroupent sous le nom de «civisme». Quand on lit les ouvrages de Bardèche, on sent bien qu’il est tiraillé entre deux images de l’homme, dont il veut croire qu’elles peuvent s’associer. Il se laisse emporter dans des évocations exaltées de la force, des combats, de l’héroïsme et des conquêtes, et son discours se fait alors violent; puis, il tempère son enthousiasme et évoque l’indispensable tolérance et l’amour que l’on doit porter au peuple dont on est issu. Bardèche représente parfaitement le type d’intellectuel, d’extrême-droite ou d’ailleurs, qui est fasciné par toutes les représentations de la force, de la violence, de la «barbarie» mais que son éducation et son acquis culturel empêchent de vivre tout cela autrement que par imagination.

Bardèche résume parfaitement sa position lorsqu’il dit :

«…je définis moins ce que serait un régime fasciste — je ne sais pas ce qu’il serait véritablement — qu’un certain tempérament, ou plutôt une certaine manère de voir de ceux qui se disent aujourd’hui fascistes […] C’est pour moi l’essentiel»34.

La plupart des néo-fascistes, ainsi que quelques politologues, ont voulu voir en Maurice Bardèche un doctrinaire politique, et lui-même, tout en s’en défendant, a essayé d’apparaître comme tel. L’élégance de son style, la puissance évocatrice de ses idées, sont évidentes et l’on comprend qu’il ait été un «maître à penser» pour de nombreux militants néo-fascistes, habitués au simplisme et à la médiocrité de la prose d’extrême-droite et qui trouvaient tout autre chose dans les livres et les articles de notre auteur. Pourtant, cela ne suffit pas à faire de lui un véritable théoricien politique; il rêve le fascisme et fait partager son rêve, mais c’est tout. Maurice Bardèche est, en effet, beaucoup plus un écrivain politique qu’un doctrinaire35. Cela ne minimise pas la portée de son discours — et le jugement d’Algazy est juste si l’on considère non pas le danger que Bardèche représente objectivement de par sa propre action politique mais l’influence qu’il a pu exercer sur des néo-fascistes qui étaient, eux, de véritables activistes — mais cela explique les manques évidents de sa construction théorique ainsi que son incapacité à aboutir sur le plan pratique.

Conclusion

En proclamant «je suis un écrivain fasciste» Maurice Bardèche cherchait sans doute à provoquer; mais au-delà, il définit parfaitement ce qu’il est en réalité : fasciste, mais surtout écrivain. Il appartient à la catégorie des intellectuels qui, à l’instar de Brasillach, furent fasciné par la «mise en scène» du fascisme, par les décors qu’il dressait le spectacle de la joie, de la santé, du bonheur d’un peuple. Sans beaucoup se préoccuper de la réalité, qu’ils crurent trouver dans ce fascisme l’incarnation de toutes les valeurs, de toutes les «images» que [les] lectures de leur enfance ou que les cours d’Histoire romancée de leurs maîtres leur avaient appris à connaître et à aimer : l’idéal de chevalerie, l’exaltation des héros courageux, fidèles et bons, la promotion de rapports humains, francs et loyaux, la vision d’une société hiérarchisée mais harmonieuse. Toutes leurs désillusions viendront de la confrontation du songe avec la dure réalité politique du fascisme. Maurice Bardèche s’accroche pourtant à son rêve, imputant les résultats «imparfaits» du fascisme italien et du nazisme allemand aux seules « circonstances» et tente de cerner ce qu’on appelle son «utopie fasciste» en dessinant, dans ses livres les images vivantes, colorées et artificielles de son idéal social et humain; lorsqu’il aborde, parfois, le domaine du politique, on sent bien — sans doute le sent-il aussi — qu’il n’y est pas à sa place.


Notes.

1. Ed. Les Sept Couleurs, 195 p.

2. Ed. La Pensée Libre, 195 p.

3. Ed. Les Sept Couleurs, 270 p.

4. Il donne au mot «fascisme» son sens global et non pas son sens spécifique, c’est-à-dire italien.

5.Nuremberg ou la terre promise, p. 69.

6. A propos de Rassinier, voir l’article de R. LEWIN, «Paul Rassinier ou la conjonction des extrêmes», in Silex, no 26, 1984.

7.Nuremberg ou la terre promise, p. 23.

8.Id., p. 2.

9.Id., p. 175.

10.Qu’est-ce que le fascisme ?, pp. 50-51.

11.Id., pp. 82-83.

12.Id., pp. 24-25.

13.Id., p. 18.

14.Id., pp. 53 et 56.

15.Id., pp. 61-62.

16.«La démocratie n’est nullement l’exercice du pouvoir par le peuple. comme le croient les naïfs […] Elle est devenue l’exercice du pouvoir par les groupes politiques et financiers qui se sont partagés depuis cinquante ans le pouvoir réel en se servant comme homme de paille des politiciens démocratiques […] Ces groupes représentent le règne de l’étranger dans notre pays. (Défense de l’Occident, 1959, no 59, pp. 5-6).

17.Défense de l’Occident, 1958, no 54, pp. 39-40.

18.Qu’est-ce que le fascisme ?, p. 39.

19.Défense de l’Occident, 1957, no 46, p. 6.

20.L’œuf de Christophe Colomb, Les Sept Couleurs, 1951, 220 p., p. 135.

21.Id., p. 138.

22.Id., p. 159.

23. On a retrouvé cet attachement à l’idée européenne chez les intellectuels de la Nouvelle Droite animée par Alain de Benoist, et ils ont construit un corpus très cohérent et assez intéressant qui s’exprime en plusieurs courants un peu différents: régionalisme européen, préférence soviétique par anti-américanisme, troisième voie radicalement indépendante. etc… Cf. DESBUISSONS G., La Nouvelle Droite (1968-1984). Contribution à l’étude des idées de droite en France, thèse de doctorat, Grenoble, 1984.

24.Id., p. 195.

25.Id., p. 193.

26.Id., p. 194. Bardèche adopte la distinction, classique depuis Maurras, entre son antisémitisme, dit «de raison», et l’antisémitisme «de peau».

27.Qu’est-ce que le fascisme ?, p. 45.

28.Id., p. 35.

29.Id., p. 101.

30.Id., p. 99.

31.Suzanne et le taudis, Plon, 1957, 220 p., pp. 129-130.

32. Paris, Fayard, 1984, pp. 199-221.

33.Id., p. 221.

34.Défense de l’Occident, 1962, no 22, p. 36.

35. Curieusement, le nom de Bardèche n’est même pas cité dans la liste des intellectuels fascistes dressée par les journalistes du magazine Globe, dans leur numéro consacré au «fascisme à la française» (no 21, octobre 1987).

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