116. François-René de CHATEAUBRIAND, ëuvres complètes, Garnier, 1859-1861, vol. VIII, p. 65. 117. Michel TROPER, « La loi Gayssot et la Constitution », op. cit, p. 1241. 118. Marcel GAUCHET, La Révolution des droits de l'homme, Gallimard, 1989, p. 173. La discussion de l'article 10 se traduisit par un véritable affrontement entre catholiques et autres tendances, des laïcs aux protestants. Le 22 août 1789, le comte de CASTELLANE avait déposé ce projet d'article : « Nul homme ne doit être inquiété pour ses opinions religieuses, ni troublé dans l'exercice de sa religion ». TALLEYRAND, évêque d'Autun, avait réussi à faire reporter le débat sur le règlement de la religion et du culte à l'élaboration de la Constitution : « C'est là que sera prononcé le mot sacré et saint de religion catholique » (cité in Stéphane RIALS, La déclaration des droits de l'homme et du citoyen, Hachette/Pluriel, 1989, p. 241). Le comte de VIRIEU avait ajouté cette mention à l'ordre public établi par la loi, mention vigoureusement contestée, par ROBESPIERRE - « les opinions religieuses ne peuvent jamais troubler l'ordre public » - et RABAUT SAINT-ETIENNE, pasteur de Nîmes : « Vous ne vous exposerez pas, Messieurs, au reproche de vous être contredits dès les premiers moments de votre législature sacrée ; d'avoir déclaré il y a quelques jours que les hommes sont égaux en droits et de déclarer aujourd'hui qu'ils sont inégaux en droits ; d'avoir déclaré qu'ils sont libres de faire tout ce qui ne peut nuire à autrui, et de déclarer aujourd'hui que deux millions de vos concitoyens ne sont pas libres de célébrer un culte qui ne fait aucun tort à autrui ». D'aucuns voulaient effectivement maintenir la suprématie de la religion catholique, ce qui leur attira l'ire d'un MIRABEAU : « Une opinion qui serait celle du plus grand nombre n'a pas le droit de dominer ». 119. Cité in Marcel GAUCHET, La Révolution des droits de l'homme, op. cit., p. 176. RABAUT SAINT-ETIENNE avait également fait remarquer que « placer à côté de la liberté de la presse les bornes que l'on voudrait y mettre, ce serait faire une déclaration des devoirs au lieu d'une déclaration des droits (cité in Stéphane RIALS, La déclaration des droits de l'homme et du citoyen, op. cit., p. 248), mais avait déclaré que la liberté de communication ne devait pas nuire à autrui (Marcel GAUCHET, ibid.). 120. CLERMONT-TONNERRE faisait remarquer, non sans lucidité : « Après avoir dit que la loi doit assurer la liberté, c'est retomber dans un cercle vicieux, c'est donner à la loi la faculté de rapprocher ou de reculer à son gré des bornes qu'elle ne doit pas franchir » (cité in Marcel GAUCHET, La Révolution des droits de l'homme, op. cit., p. 119). 121. Stéphane RIALS, La déclaration des droits de l'homme et du citoyen, op. cit., p. 371. 122. L'article 14 de ce Préambule disposait que « tout homme est libre de parler, d'écrire, d'imprimer, de publier ; il peut, soit par la voie de presse, soit de toute autre manière, exprimer, diffuser et défendre toute opinion dans la mesure où il n'abuse pas de ce droit, notamment pour violer les libertés garanties par la présente déclaration ou porter atteinte à la réputation d'autrui » (cité in Jean-Jacques ISRAEL, Droits des Libertés fondamentales, LGDJ, 1998, 1ère édition, p. 421). 123. Le gouvernement s'est fondé sur ce principe pour mettre en application l'ordonnance du 4 février 1959 portant statut de la Fonction publique pour prohiber, dans le dossier du fonctionnaire, toute mention de « ses opinions politiques, philosophiques ou religieuses ». Les précédents de « l'affaire des fiches » de 1904 (voir Jean-Robert RAGACHE, « L'affaire des fiches », Historia spécial, n° 48, juillet-août 1997, p. 49) et du régime de Vichy (voir notamment l'ouvrage collectif intitulé Le Droit antisémite de Vichy, Le Genre Humain/Seuil, 1996) étaient encore présents dans les mémoires. L'article 1er de la loi du 9 décembre 1905 disposait également que « la République assure la liberté de conscience... », ce alors que la lutte entre anticléricaux et Eglise catholique était à son apogée. Rendu dans un autre contexte, celui de la Guerre Froide, l'arrêt Barel du Conseil d'Etat (CE, 28 mai 1954, Leb., p. 308) avait précisé que l'administration ne saurait, sans méconnaître le principe de l'égalité d'accès de tous les Français aux emplois et fonctions publics, inscrit dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, écarter quelqu'un de la liste des candidats à l'Ecole Nationale d'Administration en se fondant exclusivement sur ses opinions politiques. Cela étant, si le fonctionnaire voit sa liberté d'opinion protégée, il doit également respecter l'opinion des administrés (la loi du 1er juillet 1972 prévoit que constitue un délit le fait, pour un agent, de prendre en compte l'appartenance d'une personne à un groupe ethnique, à une nation, à une race ou à une religion pour lui refuser le bénéfice d'un droit auquel elle pouvait prétendre). Le principe de laïcité et de neutralité de l'administration s'impose à l'agent de l'Etat, dans le service, et hors du service, par le biais de l'obligation de réserve, dont l'étendue varie selon les corps de l'administration (elle est par exemple stricte pour les magistrats et les militaires de carrière) - voir Jean RIVERO, « Sur l'obligation de réserve », AJDA 1977, p. 580 et s.. Ainsi le Conseil d'Etat a-t-il récemment considéré que « le fait pour un agent du service de l'enseignement public de manifester dans l'exercice de ses fonctions ses croyances religieuses, notamment en portant un signe destiné à marquer son appartenance à une religion, constitue un manquement à ses obligations » (CE, 3 mai 2000, Mlle Marteaux, avis, RFDA 2001, p. 146 et s., concl. SCHWARTZ). 124. Ce point de vue est défendu par Jean-Philippe FELDMAN, « Peut-on dire impunément n'importe quoi sur la Shoah ? », op. cit., p. 255 : « Ce texte ne souffre apparemment d'aucune contradiction possible. Jamais pourtant les adversaires de l'article 24bis ne s'y réfèrent. A tort. On peut même dire que si le Conseil Constitutionnel n'avait pas jugé que le Préambule faisait partie du bloc de constitutionnalité, ce serait la seule règle à respecter. Ce qui signifie que, paradoxalement, le recours aux déclarations des droits aboutit en l'occurrence à une restriction de la liberté d'opinion... ». 125. Le Conseil Constitutionnel a ainsi jugé que cette disposition devait être conciliée avec la liberté de communication et d'expression proclamée par l'article 11 de la Déclaration de 1789, cette liberté impliquant « le droit pour chacun de choisir les termes jugés par lui les mieux appropriés à l'expression de sa pensée ». Le législateur pouvait dès lors imposer l'usage de cette langue aux pouvoirs publics, non aux personnes privées : voir décision n° 94-345 DC du 29 juillet 1994 Loi relative à l'emploi de la langue française, D. 1995, Somm., p. 303, note André ROUX ; RFDC, 1994, p. 811, note Michel VERPEAUX. Dans sa décision n° 2001-456 DC du 27 décembre 2001 Loi de finances pour 2002 (Rec., p. 180), le Conseil a confirmé la jurisprudence inaugurée en 1994, en considérant « que l'usage d'une langue autre que le français ne peut être imposé aux élèves des établissements de l'enseignement public ni dans la vie de l'établissement, ni dans l'enseignement des disciplines autres que celles de la langue considérée ». Il avait néanmoins estimé antérieurement que cette règle ne prohibait pas l'utilisation de traductions et que son application ne devait pas conduire à méconnaître l'importance que revêt, en matière d'enseignement, de recherche et de communication audiovisuelle, la liberté d'expression et de communication : voir décision n° 99-412 DC du 15 juin 1999, Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, Revue française de droit constitutionnel, 1999, p. 594 et s., note Michel VERPEAUX ; Patrick FRAISSEIX : « La France, les langues régionales et la Charte européenne des langues régionales et minoritaires », RFDA 2001 (1), p. 59-85. 126. Voir, pour une étude globale de sa jurisprudence, le « Rapport du Conseil Constitutionnel à la Xe Conférence des Cours constitutionnelles européennes (Budapest, mai 1996) », RFDA 1996, p. 639-675. 127. Voir Louis FAVOREU & Loïc PHILIP, Les grandes décisions du Conseil Constitutionnel, Dalloz, 2001, 11e édition, p. 589-611 ; Pouvoirs, n° 33, p. 163, note Pierre AVRIL & Jean GICQUEL ; Jean-Claude MASCLET : « La loi sur les entreprises de presse », AJDA 1984, p. 644 et s.. 128. Décision n° 86-217 DC du 18 septembre 1986 Loi relative à la liberté de communication, RDP 1989, p. 399, note Louis FAVOREU. Le caractère de liberté publique lui a été reconnu pour la première fois par la décision n° 64-27 L du 17 mars 1964 (Rec., p. 33). 129. Décision n° 82-141 du 27 juillet 1982 Loi sur la communication audiovisuelle (Rec., p. 48). 130. Décision du 29 juillet 1994, op. cit.. 131. Décision n° 88-248 DC du 17 janvier 1989 Loi modifiant la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication (Rec., p. 18). Dans cette décision, le Conseil Constitutionnel déclarait que « la communication audiovisuelle est libre », mais le secteur privé de la communication audiovisuelle était soumis à un régime d'autorisation administrative. La liberté de communication audiovisuelle était encadrée : « Considérant qu'il appartient au législateur, compétent en vertu de l'article 34 de la Constitution pour fixer les règles concernant les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques, de concilier, en l'état actuel des techniques et de leur maîtrise, l'exercice de la liberté de communication telle qu'elle résulte de l'article 11 de la Déclaration des Droits de l'Homme, avec, d'une part, les contraintes techniques inhérentes aux moyens de la communication audiovisuelle et, d'autre part, les objectifs de valeur constitutionnelle que sont la sauvegarde de l'ordre public, le respect de la liberté d'autrui et la préservation du caractère pluraliste des courants d'expression socioculturels auxquels ces modes de communication, par leur influence considérable, sont susceptibles de porter atteinte ». L'institution du Conseil supérieur de l'audiovisuel, autorité administrative indépendante, constitue une des garanties de sauvegarde de la liberté de communication « prévues par la loi ». Cette indépendance implique que « ceux des membres de la commission désignée par le Conseil d'Etat, la Cour de Cassation et la Cour des Comptes soient élus uniquement par ceux des membres de ces institutions qui sont, à la date de l'élection, en service dans leurs corps » (décision du 18 septembre 1986, op. cit.). Face aux éventuels abus, le CSA dispose d'un pouvoir de sanction et peut saisir le juge judiciaire (décision n° 93-333 DC du 21 janvier 1994 Loi modifiant la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, Rec., p. 32). 132. Ibid.. 133. Décision du 27 juillet 1982, op. cit.. 134. Ibid. et décision n° 86-210 DC du 29 juillet 1986 Loi portant réforme du régime juridique de la presse (Rec., p. 110). 135. ROBESPIERRE, dans son Discours sur la liberté de la presse précité, avait certes énoncé que « la liberté de la presse doit être entière et indéfinie, ou elle n'existe pas ». Néanmoins, une série de mesures seront prises, auxquelles ROBESPIERRE contribuera, pour mettre à mal cette déclaration d'intention : rétablissement de la peine de mort pour quiconque proposerait de rétablir la royauté (4 décembre 1792), la remise en cause de l'unité de la République et toute proposition de « loi agraire » (16 décembre 1792), loi sur les théâtres autorisant fermetures et arrestations (2 septembre 1793), « loi des suspects » réprimant les écrits contre-révolutionnaires (17 septembre 1793)... Quatre jours après la prise la chute de la Royauté (10 août 1792), ROBESPIERRE fustigera les journalistes, « ces hommes qui consacrent leur existence à calomnier le peuple et les patriotes, à empoisonner l'esprit public, dont la plume mercenaire et assassine, distille tous les jours le poison le plus séducteur... ». Et au nom de la Vertu, la loi du 22 Prairial an II fera de ceux qui cherchent à « dépraver les moeurs » des ennemis de la République. Voir Jean-Jacques PAUVERT, « La Révolution et l'obscénité », Nouveaux (et moins nouveaux) visages de la censure, op. cit., p. 111-130. 136. La prééminence d'un tel régime préventif et répressif aura pour conséquence le déclin marqué de la presse sous l'ère napoléonienne. L'historien Alfred FIERRO pouvait écrire : « Epoque de gloire et de bouleversement, l'Empire a une presse d'une rare médiocrité, comparable au « robinet d'eau tiède » que sont aujourd'hui les journaux des pays totalitaires » (Alfred FIERRO, André PALLUEL-GUILLARD & Jean TULARD, Histoire et dictionnaire du Consulat et de l'Empire, Robert Laffont, coll. « Bouquins », 1995, p. 1032). NAPOLEON lui-même devait concéder à son Ministre de l'Intérieur, SAVARY, en décembre 1812 : « Les journaux sont rédigés avec bien peu d'esprit » (ibid., p. 601). Les Cent-Jours, en revanche, ont marqué l'instauration d'une liberté « indéfinie » de la presse, sous l'influence de Benjamin CONSTANT. 137. Jean RIVERO, Les libertés publiques, op. cit., p. 220. L'article 8 de la Charte du 4 juin 1814 présentait une similitude troublante avec l'article 11 de la Déclaration des Droits de l'Homme : « Les Français ont le droit de publier et de faire imprimer leurs opinions, en se conformant aux lois qui doivent réprimer les abus de cette liberté ». Là où l'ordonnance du 8 août 1815 instaurait un régime préventif rigoureux d'autorisation préalable, la loi du 9 juin 1819 prévoyait la compétence du jury pour les délits de presse, compétence qui serait réservée aux tribunaux correctionnels par la loi du 25 mars 1822 qui, certes, supprimait la censure (introduite par la loi du 31 mars 1820) mais caractérisait nettement le délit d'opinion politique. Si la loi du 18 juillet 1828 s'avérait nettement libérale, la censure serait pourtant rétablie par une ordonnance du 25 juillet 1830, l'une de ces ordonnances qui poussèrent le peuple à la révolte, aboutissant à la chute de Charles X. 138. En 1830, la censure avait été interdite et le jury redevenait compétent pour les délits - gage d'un libéralisme plus poussé que celui suggéré par la compétence des tribunaux correctionnels. La loi du 9 septembre 1835, devant la recrudescence des attaques portées contre la Monarchie, mit en place un système de censure préalable pour le théâtre, les dessins, gravures, lithographies tout en renforçant les outils répressifs... 139. Le décret du 17 février 1852 rétablissait l'autorisation préalable et instituait le système dit des « avertissements » adressés par l'administration à un journal dans l'hypothèse où un article pouvait être considéré comme dangereux, avertissement pouvant se décliner en suspension, voire suppression. La loi du 11 juin 1868 restaura la possibilité de créer des organes de presse par simple déclaration et attribua compétence au pouvoir judiciaire pour décider la suppression - voir Roger BELLET, Presse et Journalisme sous le Second Empire, Armand Colin, 1967. 140. Une proposition de loi fut déposée en 1876 par le député radical (et futur sénateur) Alfred NAQUET tendant à l'abrogation de tous les textes normatifs restreignant la liberté de la presse, mais la conception restrictive l'emporta (voir Jean-Philippe FELDMAN, « Peut-on dire impunément n'importe quoi sur la Shoah ? », op. cit., p. 254). Le libéralisme de NAQUET l'amena également à critiquer les institutions de la IIIe République, au nom du suffrage universel (le régime parlementaire tel qu'instauré multipliait les incohérences et ne pouvait fonctionner que par la voie du suffrage restreint, cette antithèse de ses idéaux révolutionnaires) et, paradoxalement, à rallier le boulangisme ainsi que la Ligue des Patriotes de Paul DEROULEDE... (voir Zeev STERNHELL, La Droite révolutionnaire, op. cit., p. 31 et s.). 141. Si l'on fait abstraction de l'intermède vichyste, mentionnons la loi du 16 juillet 1949 sur les publications destinées à la jeunesse, qui prévoit que ces dernières « ne doivent comporter aucune illustration, aucun récit, aucune chronique, aucune rubrique, aucune insertion présentant sous un jour favorable le banditisme, le mensonge, le vol, la paresse, la lâcheté, la haine, la débauche ou tous actes qualifiés crimes ou délits ou de nature à démoraliser l'enfance ou la jeunesse ou à entretenir des préjugés ethniques ». Les sanctions que peut prononcer le tribunal sont variées : amendes, saisie, suspension provisoire (deux mois à deux ans), interdiction définitive si récidive. Une Commission chargée de la surveillance et du contrôle de ces publications, présidée par un Conseiller d'Etat doit signaler au gouvernement les infractions à la loi - en pratique, elle s'accorde avec les responsables de publication avant la parution de l'écrit litigieux, pour correction, ce qui explique le faible nombre de poursuites. Selon l'article 14 de la loi, le ministre de l'intérieur est habilité à interdire, pour les mineurs de dix-huit ans les publications de toute nature (par vente, dons, affichage...) présentant un danger pour la jeunesse en raison de leur caractère licencieux ou pornographique, ou de la place faite au crime ou à la violence. La loi n° 87-1157 du 31 décembre 1987 a modifié cette disposition : les nouvelles dispositions permettent au ministre de l'Intérieur d'interdire par arrêté de proposer, de donner ou de vendre à des mineurs les publications de toute nature présentant un danger pour la jeunesse en raison de la place faite notamment à la violence, à la discrimination ou à la haine raciale. L'arrêté peut aussi interdire toute forme de publicité en faveur de ces publications. Le régime juridique posé par la loi de 1949 a été critiqué (voir notamment Jean RIVERO, Les Libertés publiques, op. cit., p. 273-274). L'éditeur et traducteur négationniste Jean PLANTIN a ainsi été condamné le 27 mai 1999 à six mois de prison avec sursis et dix mille Francs d'amende pour « publicité en faveur d'une publication dangereuse pour la jeunesse malgré interdiction administrative » (en l'espèce : des écrits négationnistes) par le tribunal correctionnel de Lyon. 142. L'arrêt de principe du Tribunal des Conflits Action française (TC, 8 avril 1935, Rec., p. 1226, conclusions JOSSE) a constitué le fondement des saisies administratives, qui n'étaient régies par aucun texte particulier. Selon les termes de cette décision, la saisie administrative n'est justifiée que si elle s'avère « indispensable pour assurer le maintien ou le rétablissement de l'ordre public ». Fut annulée la décision du préfet de police de saisie du journal L'Action française dans le département de la Seine, car ne présentant pas cette justification, étant par ailleurs trop générale. 143. Jean RIVERO, Les Libertés publiques, op. cit., p. 258. 144. Voir Jean MORANGE, Droits de l'homme et libertés publiques, op. cit., p. 301. 145. En règle générale, la provocation aux crimes et aux délits ne peut être sanctionnée que si, d'une part, elle a été suivie d'effet et, d'autre part, un lien direct existe entre l'infraction et l'acte de provocation. 146. L'on constate ces derniers temps une augmentation du nombre de sollicitations des pouvoirs publics en vue d'obtenir une prohibition des discours à caractère « sexiste » et « homophobe » ou développant une « représentation stéréotypée, dévalorisée ou avilissante des femmes ». Une proposition de loi avait été déposée au Sénat en décembre 2001 pour modifier le régime de la loi de 1881 et sanctionner les publications dites « sexistes ». Pour un aperçu précis de la controverse, voir Pascal MBONGO, « L'incrimination des opinions "sexistes" et la liberté d'expression », D. 2002, p. 427 et s.. 147. Cette tendance nous semble particulièrement confirmée par l'ordonnance du 6 mai 1944 rétablissant, pour les délits de presse, la compétence du juge correctionnel en lieu et place du jury, cette dernière institution n'étant, il est vrai, pas totalement efficace (voir Jean RIVERO, Les libertés publiques, op. cit., p. 264-265). Certains excès ont par ailleurs été constatés, touchant à l'application de la loi du 17 juillet 1970, qui permet au juge civil des référés d'ordonner la saisie d'une publication lorsqu'elle est susceptible de porter atteinte à la vie privée - une atteinte le plus souvent qualifiée d'intolérable. Le juge statue en urgence, sans débat contradictoire. Cette procédure, qui se démarque du régime spécial de la loi de 1881, a poussé quelques juges à faire usage d'une série de mesures d'astreintes financières particulièrement lourdes et susceptibles de nuire à la commercialisation d'un ouvrage. Pour un commentaire juridique, David BOCCARA, « Légitimité du "référé-diffamation" et conditions de légalité de ses prescriptions », Gaz. Pal. 1995, n° 66, p. 11 et s.. 148. Voir notamment Henri LECLERC, « La loi du 29 juillet 1881 et la liberté de la presse », Hommes et Libertés, n° 2, janvier-février 2001, p. 6-7. 149. Jean-Claude MASCLET (« La loi sur les entreprises de presse », op. cit., p. 657) précise que se référer à l'article 11 de la Déclaration présentait l'avantage de se fonder sur un texte existant et non un principe. Qui plus est, selon MM FAVOREU & PHILIP (Les grandes décisions du Conseil Constitutionnel, op. cit., p. 600), le Conseil Constitutionnel, pour affirmer le principe de liberté des lecteurs, ne pouvait guère le fonder sur la loi de 1881 qui ne consacrait que celui de la liberté des auteurs et des éditeurs. 150. Pierre Augustin Caron de BEAUMARCHAIS, Le Mariage de Figaro (1784), acte V, scène 3. 151. Pierre Augustin Caron de BEAUMARCHAIS, Le Barbier de Séville (1775), acte II, scène 8.

La « loi GAYSSOT » et la Constitution

Nicolas Bernard

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Chap. I - La Liberté d'expression
3. L'encadrement en France

I-3 L'encadrement français des libertés d'opinion et d'expression

La censure [...] rend le gouvernement représentatif impossible.
Chateaubriand116

Le bloc de constitutionnalité français n'interdit nullement au législateur français de limiter la liberté d'expression, moyen de manifester son opinion. Comme l'a souligné Michel TROPER, les textes fondateurs « n'en énoncent le principe qu'en précisant qu'elle ne peut s'exercer que dans certaines limites »117. L'article 4 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen du 26 août 1789 pouvait à cet égard servir de disposition introductive : « la liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l'exercice des droits naturels de chaque homme n'a de bornes que celles qui assurent aux autres membres de la société la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la loi ». Le cadre ainsi posé, il n'est pas surprenant de constater que la Déclaration de 1789 consacre les libertés d'opinion et d'expression tout en y apportant des limites (1). La législation française sur la liberté de la presse, au sein de laquelle s'insère l'article 24bis si décrié, constitue à cet égard une illustration pertinente de la conception française de ces libertés (2).  

I-3.1 Un « bloc de constitutionnalité » restreignant la liberté d'expression

Les Déclarations des Droits françaises acceptent le principe d'une limitation. Le Conseil Constitutionnel l'a confirmé.

La Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 se fondait sur l'un de ces axiomes : l'abus de liberté nuit à cette dernière. Après des débats passionnés, les rédacteurs de la Déclaration sont parvenus à divers compromis prenant en considération une limitation législative des libertés d'opinion et d'expression. L'article 10 de la Déclaration dispose en effet : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la loi ». La liberté d'opinion est ainsi proclamée, mais la manifestation d'une opinion ne doit pas troubler l'ordre public. Encore faut-il rappeler que l'article 10, tel qu'il a été rédigé en août 1789, différait sensiblement de ce qui a fini par s'imposer comme étant son interprétation actuelle. Chez les rédacteurs de la Déclaration, l'on se référait davantage à la liberté religieuse, et la notion d'ordre public évoquait plutôt celle de « culte public »118...

Sans doute ce contexte historique permet-il d'expliquer certaine redondance de la Déclaration de 1789, qui traite de manière spécifique la manifestation des opinions, en son article 11 : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi ». Comme l'article 10, cette disposition avait résulté d'âpres débats entre les rédacteurs de la Déclaration. En vain ROBESPIERRE avait-il objecté que « toute restriction, toute exception dans l'exercice des droits doit être renvoyée à la Constitution. La Déclaration des droits de l'homme doit être franche, décisive et sans aucune modification [...] Tous les Etats de l'Amérique ont énoncé purement et simplement leurs droits sur la liberté de la presse »119.

Les rédacteurs de la Déclaration se fondaient sur l'idée que la loi était la norme juridique par excellence, l'expression, selon ROUSSEAU, de la volonté générale : en l'occurrence, il importe peu que la loi ait été quelque peu dévalorisée depuis, particulièrement par la Constitution de 1958. Ce ralliement au légicentrisme était justifié par cette idée que la loi ne pouvait mal faire120. Selon Stéphane RIALS, les rédacteurs ont voulu « bâtir rationnellement un pouvoir parfait à partir des droits de l'homme plus qu'ils ne se [sont contentés] de prémunir autant que possible les droits de l'homme contre un pouvoir nécessairement imparfait »121.

Cette conception sera pourtant retenue en Droit français, puisque les rédacteurs du Préambule du premier projet de Constitution du 19 avril 1946 (projet qui sera rejeté par référendum) mentionneront que la liberté d'expression trouve ses limites dans l'abus qui en sera fait122. L'alinéa cinquième du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 apportait, pour sa part, une protection supplémentaire à la liberté d'opinion, puisque prohibant la discrimination en milieu professionnel en raison des origines, opinions et croyances de l'intéressé123 - l'alinéa sixième proclamant la liberté syndicale et le septième prévoyant que le droit de grève s'exerce dans le cadre des lois qui le réglementent. En revanche, l'article premier de la Constitution de 1958 paraît constituer une exception : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances ». La dernière phrase pourrait suggérer que l'expression de toute opinion, même abominable, est tolérée124. Cette interprétation nous semble sans doute trop audacieuse. D'une part, en effet, le respect des croyances s'insère davantage dans une disposition définissant la République et proclamant les principes d'égalité, de non-discrimination et de laïcité. Ajoutons que la notion de « respect » demeure particulièrement floue : « respecter », par exemple, les thèses négationnistes conduirait à ne pas « respecter » l'opinion de leurs adversaires et surtout celle des victimes du nazisme... Au surplus, cette disposition constitutionnelle, interprétée ainsi, se heurterait aux proclamations des articles 10 et 11 de la Déclaration des Droits de l'Homme de 1789 : une telle aporie au sein du « bloc de constitutionnalité » paraît difficilement envisageable. Dernier argument, et l'on concèdera qu'il est d'ordre pragmatique : faire de l'article premier de la Constitution de 1958 une variante française du Premier Amendement conduirait probablement à remettre en cause une frange non négligeable du dispositif législatif et réglementaire français touchant aux libertés d'opinion et d'expression. Rappelons en outre que l'article 2 de la Constitution prévoit une limite précise à la liberté d'expression en ce qu'il dispose que la langue de la République est le français125.

Le Conseil Constitutionnel s'est érigé en protecteur de la liberté d'expression126. Par la décision n° 84-181 DC Entreprises de presse rendue les 10-11 octobre 1984127, il a jugé que cette liberté était « l'une des garanties essentielles des autres droits et libertés et de la souveraineté nationale », après avoir constaté que « l'individu est le destinataire essentiel de la liberté proclamée par l'article 11 de la Déclaration ». Liberté publique, elle constitue, avec le pluralisme des moyens d'information et d'expression, une des « conditions de la démocratie »128 mais n'est ni générale, ni absolue129, devant se concilier avec les autres droits et principes de valeur constitutionnelle130, le respect de la liberté d'autrui131, les exigences du service public132, la sauvegarde de l'ordre public133, la préservation du caractère pluraliste des courants d'expression socioculturels134. Cette proclamation doublée d'un encadrement mesuré est particulièrement significative en matière de liberté de la presse.  

I-3.2 Une illustration de la conception française des droits fondamentaux : la loi de 1881 relative à la liberté de la presse

La Déclaration de 1789 prévoit que la loi seule a compétence pour déterminer les limites à apporter à la liberté d'expression. La loi du 29 juillet 1881 relative à la liberté de la presse confirme cette conception. Si l'article premier dispose que « l'imprimerie et la librairie sont libres », le contenu de la loi précise les modalités (strictes) de la limitation de cette liberté. Complétée par la loi du 2 août 1882, la loi française devait mettre fin au système de prévention et de répression des écrits qui prévalait jusque là. Il s'agissait de consacrer les idéaux démocratiques et républicains, idéaux qui se fondaient notamment sur cette liberté de la presse au sujet de laquelle Victor HUGO avait clamé, le 11 septembre 1848 : « Suspendre les journaux, les suspendre par l'autorité directe, arbitraire, violente, du pouvoir exécutif, cela s'appelait coups d'état sous la monarchie, cela ne peut pas avoir changé de nom sous la République [...]. La liberté de la presse à côté du suffrage universel, c'est la pensée de tous éclairant le gouvernement de tous. Attenter à l'une, c'est attenter à l'autre. »

La Révolution, après avoir proclamé la liberté d'expression, l'avait restreinte, au nom de divers impératifs tenant à l'ordre public, la sûreté de l'Etat, la sauvegarde de la Vertu, la lutte contre l'invasion étrangère et la sédition intérieure135. L'Empire était allé plus loin : contrôle préalable, instauration d'un monopole d'Etat sous l'autorité du Ministère de l'Intérieur et des Préfets136... La Restauration pouvait se définir comme une suite incessante d'alternances entre libéralisme et autorité, pour reprendre la formule de Jean RIVERO137, la Monarchie de Juillet finissant, après une première orientation libérale, par opter pour certaine déviance autoritaire138, à la manière de la IIe République, qui avait rétabli la liberté de la presse en mars 1848 pour l'atténuer dès le mois d'août de la même année, mais à l'inverse du Second Empire139.

La loi de 1881 ne rompt pas totalement avec ce qui s'apparente à une tradition française de restriction de principe à la liberté d'expression140, ni même la législation française du XXe siècle141. Si la censure préalable est définitivement abolie, si la liberté de la presse est proclamée, subsiste la mise en jeu de la responsabilité civile des articles 1382 et suivants du Code civil, subsiste l'exercice des pouvoirs de police générale (interdictions, saisies administratives, saisies judiciaires) destinés à maintenir l'ordre public142, subsistent des dispositions répressives sanctionnant les délits de presse créant une responsabilité pénale spéciale à titre principal des auteurs et directeurs de publication, voire l'imprimeur et le vendeur. Comme l'a écrit Jean RIVERO, « la liste des délits tend à imposer à l'informateur un minimum de discrétion, un minimum de sérieux, un certaine sérénité, et le sentiment de sa responsabilité »143. C'est pourquoi est prohibée la divulgation de secrets militaires, sont sanctionnées l'injure (« expression outrageante [...] qui ne renferme pas l'imputation d'un fait précis »), la diffamation (« allégation d'un fait qui porte atteinte à l'honneur ou la considération d'une personne ou d'un corps »), et jusqu'aux années 1970 l'offense au Président de la République, cette dernière sanction pouvant effectivement paraître justifiée tant que le chef de l'Etat demeurait le symbole de la République se gardant d'intervenir dans le jeu politique144... Un système de présomptions est institué, fondé sur l'idée que certaines catégories d'écrits peuvent inciter le lecteur, considéré comme un « homme raisonnable ou moyen », à commettre des actes de nature à porter atteinte aux droits d'autrui et à l'ordre public ou à se sentir blessé par de tels actes145. Ainsi, en certaines hypothèses énumérées par la loi de 1881 (vol, meurtre, pillage, incendie, destructions, crimes contre la sûreté de l'Etat, provocation de militaires à la désobéissance) et par d'autres dispositions (haine raciale, par la loi du 1er juillet 1972), la provocation même non suivie d'effet est punissable en tant que telle146.

L'on voit ainsi dans quel contexte juridique s'insère l'article 24bis sanctionnant pénalement le discours négationniste : une tendance au renforcement de l'arsenal législatif relatif à la presse147. La loi de 1881 constitue un ensemble normatif véritablement complexifié jugé trop lourd par ses critiques libéraux - en dépit de contraintes procédurales fort strictes148. Peut-être se trouve-t-on en présence de l'un des mobiles ayant dissuadé le Conseil Constitutionnel d'en dégager un principe fondamental reconnu par les lois de la République - il est vrai qu'existait déjà l'article 11 de la Déclaration des Droits de l'Homme149 ? Dans sa décision des 10 et 11 octobre 1984 précitée, le Conseil consacrera l'interdiction du régime de l'autorisation préalable et ajoutera que, s'agissant d'une liberté fondamentale, « la loi ne peut en réglementer l'exercice qu'en vue de rendre plus effectif ou de la concilier avec celui d'autres règles ou principes de valeur constitutionnelle » : l'interventionnisme législatif visant à atténuer la liberté de la presse s'est par là même trouvé confirmé. Par ailleurs, cette décision s'ancrait dans une protection du droit des lecteurs à l'information, puisque se référant à l'objectif de valeur constitutionnel de pluralisme des moyens d'informations.

Toujours est-il que cette tendance répressive, quelque peu confirmée (non sans d'importantes nuances) par le Conseil Constitutionnel, explique, selon nous, l'insertion du dispositif pénal sanctionnant la contestation des crimes nazis contre l'humanité au sein du cadre de cette loi de 1881 si controversée. La conception française de la liberté d'expression, rejoignant en cela celles admises en Droit étranger et Droit international, est celle d'une limitation qui en sanctionnerait les abus - la loi de 1881 en est une illustration significative, de même les articles 10 et 11 de la Déclaration de 1789.

L'appareil français, tant constitutionnel que législatif, est-il trop restrictif à l'égard de la liberté d'expression ? Ses critiques se plaisent à citer la remarque acerbe de BEAUMARCHAIS extraite du Mariage de Figaro : « ... pourvu que je ne parle en mes écrits ni de l'autorité, ni du culte, ni de la politique, ni de la morale, ni des gens en place, ni des corps, en crédit, ni de l'Opéra, ni des autres spectacles, ni de personne qui tienne à quelque chose, je puis tout imprimer librement, sous l'inspection de deux ou trois censeurs... »150. C'est peut-être oublier cette incontestable puissance du verbe, telle que la rappelait ce même BEAUMARCHAIS par sa fameuse réplique sur la calomnie : « La calomnie, monsieur ! Vous ne savez guère ce que vous dédaignez ; j'ai vu les plus honnêtes gens près d'en être accablés. Croyez qu'il n'y a pas de plate méchanceté, pas d'horreurs, pas de conte absurde, qu'on ne fasse adopter aux oisifs d'une grande ville en s'y prenant bien : et nous avons ici des gens d'une adresse !... D'abord un bruit léger, rasant le sol comme hirondelle avant l'orage, pianissimo, murmure et file, et sème en courant le trait empoisonné. Telle bouche le recueille, et piano, piano, vous le glisse en l'oreille adroitement. Le mal est fait ; il germe, il rampe, il chemine, et rinforzando, de bouche en bouche il va le diable ; puis tout à coup, ne sais comment, vous voyez calomnie se dresser, siffler, s'enfler, grandir à vue d'oeil. Elle s'élance, étend son vol, tourbillonne, enveloppe, arrache, entraîne, éclate et tonne, et devient, grâce au ciel, un cri général, un crescendo public, un chorus universel de haine et de proscription. Qui diable y résisterait ? »151

« Qui diable y résisterait ? » Ferdinand de SAUSSURE a beau jeu de rétorquer que « le mot chien n'a jamais mordu personne » : le fait est que le Droit français, comme les Droits étrangers, reconnaissent aux mots une capacité de nuire. Particulièrement lorsque ces mots portent sur des événements qui marquent à vif notre mémoire... La liberté d'expression n'est pas absolue : le principe vaut également pour les historiens.

       


Notes.

116. François-René de CHATEAUBRIAND, ëuvres complètes, Garnier, 1859-1861, vol. VIII, p. 65.

117. Michel TROPER, « La loi Gayssot et la Constitution », op. cit, p. 1241.

118. Marcel GAUCHET, La Révolution des droits de l'homme, Gallimard, 1989, p. 173. La discussion de l'article 10 se traduisit par un véritable affrontement entre catholiques et autres tendances, des laïcs aux protestants. Le 22 août 1789, le comte de CASTELLANE avait déposé ce projet d'article : « Nul homme ne doit être inquiété pour ses opinions religieuses, ni troublé dans l'exercice de sa religion ». TALLEYRAND, évêque d'Autun, avait réussi à faire reporter le débat sur le règlement de la religion et du culte à l'élaboration de la Constitution : « C'est là que sera prononcé le mot sacré et saint de religion catholique » (cité in Stéphane RIALS, La déclaration des droits de l'homme et du citoyen, Hachette/Pluriel, 1989, p. 241). Le comte de VIRIEU avait ajouté cette mention à l'ordre public établi par la loi, mention vigoureusement contestée, par ROBESPIERRE - « les opinions religieuses ne peuvent jamais troubler l'ordre public » - et RABAUT SAINT-ETIENNE, pasteur de Nîmes : « Vous ne vous exposerez pas, Messieurs, au reproche de vous être contredits dès les premiers moments de votre législature sacrée ; d'avoir déclaré il y a quelques jours que les hommes sont égaux en droits et de déclarer aujourd'hui qu'ils sont inégaux en droits ; d'avoir déclaré qu'ils sont libres de faire tout ce qui ne peut nuire à autrui, et de déclarer aujourd'hui que deux millions de vos concitoyens ne sont pas libres de célébrer un culte qui ne fait aucun tort à autrui ». D'aucuns voulaient effectivement maintenir la suprématie de la religion catholique, ce qui leur attira l'ire d'un MIRABEAU : « Une opinion qui serait celle du plus grand nombre n'a pas le droit de dominer ».

119. Cité in Marcel GAUCHET, La Révolution des droits de l'homme, op. cit., p. 176. RABAUT SAINT-ETIENNE avait également fait remarquer que « placer à côté de la liberté de la presse les bornes que l'on voudrait y mettre, ce serait faire une déclaration des devoirs au lieu d'une déclaration des droits (cité in Stéphane RIALS, La déclaration des droits de l'homme et du citoyen, op. cit., p. 248), mais avait déclaré que la liberté de communication ne devait pas nuire à autrui (Marcel GAUCHET, ibid.).

120. CLERMONT-TONNERRE faisait remarquer, non sans lucidité : « Après avoir dit que la loi doit assurer la liberté, c'est retomber dans un cercle vicieux, c'est donner à la loi la faculté de rapprocher ou de reculer à son gré des bornes qu'elle ne doit pas franchir » (cité in Marcel GAUCHET, La Révolution des droits de l'homme, op. cit., p. 119).

121. Stéphane RIALS, La déclaration des droits de l'homme et du citoyen, op. cit., p. 371.

122. L'article 14 de ce Préambule disposait que « tout homme est libre de parler, d'écrire, d'imprimer, de publier ; il peut, soit par la voie de presse, soit de toute autre manière, exprimer, diffuser et défendre toute opinion dans la mesure où il n'abuse pas de ce droit, notamment pour violer les libertés garanties par la présente déclaration ou porter atteinte à la réputation d'autrui » (cité in Jean-Jacques ISRAEL, Droits des Libertés fondamentales, LGDJ, 1998, 1ère édition, p. 421).

123. Le gouvernement s'est fondé sur ce principe pour mettre en application l'ordonnance du 4 février 1959 portant statut de la Fonction publique pour prohiber, dans le dossier du fonctionnaire, toute mention de « ses opinions politiques, philosophiques ou religieuses ». Les précédents de « l'affaire des fiches » de 1904 (voir Jean-Robert RAGACHE, « L'affaire des fiches », Historia spécial, n° 48, juillet-août 1997, p. 49) et du régime de Vichy (voir notamment l'ouvrage collectif intitulé Le Droit antisémite de Vichy, Le Genre Humain/Seuil, 1996) étaient encore présents dans les mémoires. L'article 1er de la loi du 9 décembre 1905 disposait également que « la République assure la liberté de conscience... », ce alors que la lutte entre anticléricaux et Eglise catholique était à son apogée. Rendu dans un autre contexte, celui de la Guerre Froide, l'arrêt Barel du Conseil d'Etat (CE, 28 mai 1954, Leb., p. 308) avait précisé que l'administration ne saurait, sans méconnaître le principe de l'égalité d'accès de tous les Français aux emplois et fonctions publics, inscrit dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, écarter quelqu'un de la liste des candidats à l'Ecole Nationale d'Administration en se fondant exclusivement sur ses opinions politiques. Cela étant, si le fonctionnaire voit sa liberté d'opinion protégée, il doit également respecter l'opinion des administrés (la loi du 1er juillet 1972 prévoit que constitue un délit le fait, pour un agent, de prendre en compte l'appartenance d'une personne à un groupe ethnique, à une nation, à une race ou à une religion pour lui refuser le bénéfice d'un droit auquel elle pouvait prétendre). Le principe de laïcité et de neutralité de l'administration s'impose à l'agent de l'Etat, dans le service, et hors du service, par le biais de l'obligation de réserve, dont l'étendue varie selon les corps de l'administration (elle est par exemple stricte pour les magistrats et les militaires de carrière) - voir Jean RIVERO, « Sur l'obligation de réserve », AJDA 1977, p. 580 et s.. Ainsi le Conseil d'Etat a-t-il récemment considéré que « le fait pour un agent du service de l'enseignement public de manifester dans l'exercice de ses fonctions ses croyances religieuses, notamment en portant un signe destiné à marquer son appartenance à une religion, constitue un manquement à ses obligations » (CE, 3 mai 2000, Mlle Marteaux, avis, RFDA 2001, p. 146 et s., concl. SCHWARTZ).

124. Ce point de vue est défendu par Jean-Philippe FELDMAN, « Peut-on dire impunément n'importe quoi sur la Shoah ? », op. cit., p. 255 : « Ce texte ne souffre apparemment d'aucune contradiction possible. Jamais pourtant les adversaires de l'article 24bis ne s'y réfèrent. A tort. On peut même dire que si le Conseil Constitutionnel n'avait pas jugé que le Préambule faisait partie du bloc de constitutionnalité, ce serait la seule règle à respecter. Ce qui signifie que, paradoxalement, le recours aux déclarations des droits aboutit en l'occurrence à une restriction de la liberté d'opinion... ».

125. Le Conseil Constitutionnel a ainsi jugé que cette disposition devait être conciliée avec la liberté de communication et d'expression proclamée par l'article 11 de la Déclaration de 1789, cette liberté impliquant « le droit pour chacun de choisir les termes jugés par lui les mieux appropriés à l'expression de sa pensée ». Le législateur pouvait dès lors imposer l'usage de cette langue aux pouvoirs publics, non aux personnes privées : voir décision n° 94-345 DC du 29 juillet 1994 Loi relative à l'emploi de la langue française, D. 1995, Somm., p. 303, note André ROUX ; RFDC, 1994, p. 811, note Michel VERPEAUX. Dans sa décision n° 2001-456 DC du 27 décembre 2001 Loi de finances pour 2002 (Rec., p. 180), le Conseil a confirmé la jurisprudence inaugurée en 1994, en considérant « que l'usage d'une langue autre que le français ne peut être imposé aux élèves des établissements de l'enseignement public ni dans la vie de l'établissement, ni dans l'enseignement des disciplines autres que celles de la langue considérée ». Il avait néanmoins estimé antérieurement que cette règle ne prohibait pas l'utilisation de traductions et que son application ne devait pas conduire à méconnaître l'importance que revêt, en matière d'enseignement, de recherche et de communication audiovisuelle, la liberté d'expression et de communication : voir décision n° 99-412 DC du 15 juin 1999, Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, Revue française de droit constitutionnel, 1999, p. 594 et s., note Michel VERPEAUX ; Patrick FRAISSEIX : « La France, les langues régionales et la Charte européenne des langues régionales et minoritaires », RFDA 2001 (1), p. 59-85.

126. Voir, pour une étude globale de sa jurisprudence, le « Rapport du Conseil Constitutionnel à la Xe Conférence des Cours constitutionnelles européennes (Budapest, mai 1996) », RFDA 1996, p. 639-675.

127. Voir Louis FAVOREU & Loïc PHILIP, Les grandes décisions du Conseil Constitutionnel, Dalloz, 2001, 11e édition, p. 589-611 ; Pouvoirs, n° 33, p. 163, note Pierre AVRIL & Jean GICQUEL ; Jean-Claude MASCLET : « La loi sur les entreprises de presse », AJDA 1984, p. 644 et s..

128. Décision n° 86-217 DC du 18 septembre 1986 Loi relative à la liberté de communication, RDP 1989, p. 399, note Louis FAVOREU. Le caractère de liberté publique lui a été reconnu pour la première fois par la décision n° 64-27 L du 17 mars 1964 (Rec., p. 33).

129. Décision n° 82-141 du 27 juillet 1982 Loi sur la communication audiovisuelle (Rec., p. 48).

130. Décision du 29 juillet 1994, op. cit..

131. Décision n° 88-248 DC du 17 janvier 1989 Loi modifiant la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication (Rec., p. 18). Dans cette décision, le Conseil Constitutionnel déclarait que « la communication audiovisuelle est libre », mais le secteur privé de la communication audiovisuelle était soumis à un régime d'autorisation administrative. La liberté de communication audiovisuelle était encadrée : « Considérant qu'il appartient au législateur, compétent en vertu de l'article 34 de la Constitution pour fixer les règles concernant les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques, de concilier, en l'état actuel des techniques et de leur maîtrise, l'exercice de la liberté de communication telle qu'elle résulte de l'article 11 de la Déclaration des Droits de l'Homme, avec, d'une part, les contraintes techniques inhérentes aux moyens de la communication audiovisuelle et, d'autre part, les objectifs de valeur constitutionnelle que sont la sauvegarde de l'ordre public, le respect de la liberté d'autrui et la préservation du caractère pluraliste des courants d'expression socioculturels auxquels ces modes de communication, par leur influence considérable, sont susceptibles de porter atteinte ». L'institution du Conseil supérieur de l'audiovisuel, autorité administrative indépendante, constitue une des garanties de sauvegarde de la liberté de communication « prévues par la loi ». Cette indépendance implique que « ceux des membres de la commission désignée par le Conseil d'Etat, la Cour de Cassation et la Cour des Comptes soient élus uniquement par ceux des membres de ces institutions qui sont, à la date de l'élection, en service dans leurs corps » (décision du 18 septembre 1986, op. cit.). Face aux éventuels abus, le CSA dispose d'un pouvoir de sanction et peut saisir le juge judiciaire (décision n° 93-333 DC du 21 janvier 1994 Loi modifiant la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, Rec., p. 32).

132. Ibid..

133. Décision du 27 juillet 1982, op. cit..

134. Ibid. et décision n° 86-210 DC du 29 juillet 1986 Loi portant réforme du régime juridique de la presse (Rec., p. 110).

135. ROBESPIERRE, dans son Discours sur la liberté de la presse précité, avait certes énoncé que « la liberté de la presse doit être entière et indéfinie, ou elle n'existe pas ». Néanmoins, une série de mesures seront prises, auxquelles ROBESPIERRE contribuera, pour mettre à mal cette déclaration d'intention : rétablissement de la peine de mort pour quiconque proposerait de rétablir la royauté (4 décembre 1792), la remise en cause de l'unité de la République et toute proposition de « loi agraire » (16 décembre 1792), loi sur les théâtres autorisant fermetures et arrestations (2 septembre 1793), « loi des suspects » réprimant les écrits contre-révolutionnaires (17 septembre 1793)... Quatre jours après la prise la chute de la Royauté (10 août 1792), ROBESPIERRE fustigera les journalistes, « ces hommes qui consacrent leur existence à calomnier le peuple et les patriotes, à empoisonner l'esprit public, dont la plume mercenaire et assassine, distille tous les jours le poison le plus séducteur... ». Et au nom de la Vertu, la loi du 22 Prairial an II fera de ceux qui cherchent à « dépraver les moeurs » des ennemis de la République. Voir Jean-Jacques PAUVERT, « La Révolution et l'obscénité », Nouveaux (et moins nouveaux) visages de la censure, op. cit., p. 111-130.

136. La prééminence d'un tel régime préventif et répressif aura pour conséquence le déclin marqué de la presse sous l'ère napoléonienne. L'historien Alfred FIERRO pouvait écrire : « Epoque de gloire et de bouleversement, l'Empire a une presse d'une rare médiocrité, comparable au « robinet d'eau tiède » que sont aujourd'hui les journaux des pays totalitaires » (Alfred FIERRO, André PALLUEL-GUILLARD & Jean TULARD, Histoire et dictionnaire du Consulat et de l'Empire, Robert Laffont, coll. « Bouquins », 1995, p. 1032). NAPOLEON lui-même devait concéder à son Ministre de l'Intérieur, SAVARY, en décembre 1812 : « Les journaux sont rédigés avec bien peu d'esprit » (ibid., p. 601). Les Cent-Jours, en revanche, ont marqué l'instauration d'une liberté « indéfinie » de la presse, sous l'influence de Benjamin CONSTANT.

137. Jean RIVERO, Les libertés publiques, op. cit., p. 220. L'article 8 de la Charte du 4 juin 1814 présentait une similitude troublante avec l'article 11 de la Déclaration des Droits de l'Homme : « Les Français ont le droit de publier et de faire imprimer leurs opinions, en se conformant aux lois qui doivent réprimer les abus de cette liberté ». Là où l'ordonnance du 8 août 1815 instaurait un régime préventif rigoureux d'autorisation préalable, la loi du 9 juin 1819 prévoyait la compétence du jury pour les délits de presse, compétence qui serait réservée aux tribunaux correctionnels par la loi du 25 mars 1822 qui, certes, supprimait la censure (introduite par la loi du 31 mars 1820) mais caractérisait nettement le délit d'opinion politique. Si la loi du 18 juillet 1828 s'avérait nettement libérale, la censure serait pourtant rétablie par une ordonnance du 25 juillet 1830, l'une de ces ordonnances qui poussèrent le peuple à la révolte, aboutissant à la chute de Charles X.

138. En 1830, la censure avait été interdite et le jury redevenait compétent pour les délits - gage d'un libéralisme plus poussé que celui suggéré par la compétence des tribunaux correctionnels. La loi du 9 septembre 1835, devant la recrudescence des attaques portées contre la Monarchie, mit en place un système de censure préalable pour le théâtre, les dessins, gravures, lithographies tout en renforçant les outils répressifs...

139. Le décret du 17 février 1852 rétablissait l'autorisation préalable et instituait le système dit des « avertissements » adressés par l'administration à un journal dans l'hypothèse où un article pouvait être considéré comme dangereux, avertissement pouvant se décliner en suspension, voire suppression. La loi du 11 juin 1868 restaura la possibilité de créer des organes de presse par simple déclaration et attribua compétence au pouvoir judiciaire pour décider la suppression - voir Roger BELLET, Presse et Journalisme sous le Second Empire, Armand Colin, 1967.

140. Une proposition de loi fut déposée en 1876 par le député radical (et futur sénateur) Alfred NAQUET tendant à l'abrogation de tous les textes normatifs restreignant la liberté de la presse, mais la conception restrictive l'emporta (voir Jean-Philippe FELDMAN, « Peut-on dire impunément n'importe quoi sur la Shoah ? », op. cit., p. 254). Le libéralisme de NAQUET l'amena également à critiquer les institutions de la IIIe République, au nom du suffrage universel (le régime parlementaire tel qu'instauré multipliait les incohérences et ne pouvait fonctionner que par la voie du suffrage restreint, cette antithèse de ses idéaux révolutionnaires) et, paradoxalement, à rallier le boulangisme ainsi que la Ligue des Patriotes de Paul DEROULEDE... (voir Zeev STERNHELL, La Droite révolutionnaire, op. cit., p. 31 et s.).

141. Si l'on fait abstraction de l'intermède vichyste, mentionnons la loi du 16 juillet 1949 sur les publications destinées à la jeunesse, qui prévoit que ces dernières « ne doivent comporter aucune illustration, aucun récit, aucune chronique, aucune rubrique, aucune insertion présentant sous un jour favorable le banditisme, le mensonge, le vol, la paresse, la lâcheté, la haine, la débauche ou tous actes qualifiés crimes ou délits ou de nature à démoraliser l'enfance ou la jeunesse ou à entretenir des préjugés ethniques ». Les sanctions que peut prononcer le tribunal sont variées : amendes, saisie, suspension provisoire (deux mois à deux ans), interdiction définitive si récidive. Une Commission chargée de la surveillance et du contrôle de ces publications, présidée par un Conseiller d'Etat doit signaler au gouvernement les infractions à la loi - en pratique, elle s'accorde avec les responsables de publication avant la parution de l'écrit litigieux, pour correction, ce qui explique le faible nombre de poursuites. Selon l'article 14 de la loi, le ministre de l'intérieur est habilité à interdire, pour les mineurs de dix-huit ans les publications de toute nature (par vente, dons, affichage...) présentant un danger pour la jeunesse en raison de leur caractère licencieux ou pornographique, ou de la place faite au crime ou à la violence. La loi n° 87-1157 du 31 décembre 1987 a modifié cette disposition : les nouvelles dispositions permettent au ministre de l'Intérieur d'interdire par arrêté de proposer, de donner ou de vendre à des mineurs les publications de toute nature présentant un danger pour la jeunesse en raison de la place faite notamment à la violence, à la discrimination ou à la haine raciale. L'arrêté peut aussi interdire toute forme de publicité en faveur de ces publications. Le régime juridique posé par la loi de 1949 a été critiqué (voir notamment Jean RIVERO, Les Libertés publiques, op. cit., p. 273-274). L'éditeur et traducteur négationniste Jean PLANTIN a ainsi été condamné le 27 mai 1999 à six mois de prison avec sursis et dix mille Francs d'amende pour « publicité en faveur d'une publication dangereuse pour la jeunesse malgré interdiction administrative » (en l'espèce : des écrits négationnistes) par le tribunal correctionnel de Lyon.

142. L'arrêt de principe du Tribunal des Conflits Action française (TC, 8 avril 1935, Rec., p. 1226, conclusions JOSSE) a constitué le fondement des saisies administratives, qui n'étaient régies par aucun texte particulier. Selon les termes de cette décision, la saisie administrative n'est justifiée que si elle s'avère « indispensable pour assurer le maintien ou le rétablissement de l'ordre public ». Fut annulée la décision du préfet de police de saisie du journal L'Action française dans le département de la Seine, car ne présentant pas cette justification, étant par ailleurs trop générale.

143. Jean RIVERO, Les Libertés publiques, op. cit., p. 258.

144. Voir Jean MORANGE, Droits de l'homme et libertés publiques, op. cit., p. 301.

145. En règle générale, la provocation aux crimes et aux délits ne peut être sanctionnée que si, d'une part, elle a été suivie d'effet et, d'autre part, un lien direct existe entre l'infraction et l'acte de provocation.

146. L'on constate ces derniers temps une augmentation du nombre de sollicitations des pouvoirs publics en vue d'obtenir une prohibition des discours à caractère « sexiste » et « homophobe » ou développant une « représentation stéréotypée, dévalorisée ou avilissante des femmes ». Une proposition de loi avait été déposée au Sénat en décembre 2001 pour modifier le régime de la loi de 1881 et sanctionner les publications dites « sexistes ». Pour un aperçu précis de la controverse, voir Pascal MBONGO, « L'incrimination des opinions "sexistes" et la liberté d'expression », D. 2002, p. 427 et s..

147. Cette tendance nous semble particulièrement confirmée par l'ordonnance du 6 mai 1944 rétablissant, pour les délits de presse, la compétence du juge correctionnel en lieu et place du jury, cette dernière institution n'étant, il est vrai, pas totalement efficace (voir Jean RIVERO, Les libertés publiques, op. cit., p. 264-265). Certains excès ont par ailleurs été constatés, touchant à l'application de la loi du 17 juillet 1970, qui permet au juge civil des référés d'ordonner la saisie d'une publication lorsqu'elle est susceptible de porter atteinte à la vie privée - une atteinte le plus souvent qualifiée d'intolérable. Le juge statue en urgence, sans débat contradictoire. Cette procédure, qui se démarque du régime spécial de la loi de 1881, a poussé quelques juges à faire usage d'une série de mesures d'astreintes financières particulièrement lourdes et susceptibles de nuire à la commercialisation d'un ouvrage. Pour un commentaire juridique, David BOCCARA, « Légitimité du "référé-diffamation" et conditions de légalité de ses prescriptions », Gaz. Pal. 1995, n° 66, p. 11 et s..

148. Voir notamment Henri LECLERC, « La loi du 29 juillet 1881 et la liberté de la presse », Hommes et Libertés, n° 2, janvier-février 2001, p. 6-7.

149. Jean-Claude MASCLET (« La loi sur les entreprises de presse », op. cit., p. 657) précise que se référer à l'article 11 de la Déclaration présentait l'avantage de se fonder sur un texte existant et non un principe. Qui plus est, selon MM FAVOREU & PHILIP (Les grandes décisions du Conseil Constitutionnel, op. cit., p. 600), le Conseil Constitutionnel, pour affirmer le principe de liberté des lecteurs, ne pouvait guère le fonder sur la loi de 1881 qui ne consacrait que celui de la liberté des auteurs et des éditeurs.

150. Pierre Augustin Caron de BEAUMARCHAIS, Le Mariage de Figaro (1784), acte V, scène 3.

151. Pierre Augustin Caron de BEAUMARCHAIS, Le Barbier de Séville (1775), acte II, scène 8.

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16/02/2003