1. Il faut bien sûr entendre : quelle image veulent donner des Juifs les auteurs de ce texte. 2. Norman Cohn, Histoire d’un mythe : la conspiration juive mondiale et les Protocoles des Sages de Sion, Paris, Gallimard, 1997 [Trad. de l’anglais] 3. Cohn, Histoire d’un mythe, op. cit., p. 29 ss. 4. Cohn, Histoire d’un mythe, op. cit., p. 31. 5. Cohn, Histoire d’un mythe, op. cit., p. 36. 6. Cohn, Histoire d’un mythe, op. cit., p. 37. 7. Cohn, Histoire d’un mythe, op. cit., p. 38. 8. Cohn, Histoire d’un mythe, op. cit., p. 38. 9. Cohn, Histoire d’un mythe, op. cit., p. 41. 10. Cité par Cohn, Histoire d’un mythe, op. cit., p. 45. 11. Cohn, Histoire d’un mythe, op. cit., p. 50 ss. 12. Cohn, Histoire d’un mythe, op. cit., p. 55. 13. Cohn, Histoire d’un mythe, op. cit., p. 58. 14. Cohn, Histoire d’un mythe, op. cit., p. 61. 15. Cohn, Histoire d’un mythe, op. cit., p. 70-71. 16. De Michelis Cesare G., « Les Protocoles des Sages de Sion : philologie et histoire », in Cahiers du Monde Russe, Vol. 38 (3), juillet-septembre 1997, p. 286. 17. Pour tout ce chapitre, nous nous basons sur Cohn, Histoire d’un mythe, op. cit., p. 114 ss. 18. Pierre-André Taguieff, Les Protocoles des Sages de Sion : faux et usages d’un faux, Paris, Berg International, 1992, Tome I, p. 68. 19. Rollin Henri, L’Apocalypse de notre temps : les dessous de la propagande allemande d’après des documents inédits, Paris, Gallimard (Nrf), 1939. 20. Cité par Nicault Catherine, « Le procès des Protocoles des Sages de Sion : une tentative de riposte juive à l’antisémitisme dans les années 1930 », in Vingtième siècle, n° 53, 1997, pp. 68-84, p. 81. 21. Sur toutes ces questions, voir Nicault Catherine, « Le procès des Protocoles des Sages de Sion », op. cit. 22. Taguieff, Les Protocoles des Sages de Sion, op. cit. I, p. 17 23. Georges Elia Sarfati, La parole empoisonnée : les Protocoles des Sages de Sion et la vision policière de l’Histoire, in Taguieff, Les Protocoles des Sages de Sion, op. cit., Tome II, p. 71. 24. Taguieff, Les Protocoles des Sages de Sion, op. cit., p. 24. 25. Taguieff, Les Protocoles des Sages de Sion, op. cit., p. 24. 26. Taguieff, Les Protocoles des Sages de Sion, op. cit., p. 25. 27. Taguieff, Les Protocoles des Sages de Sion, op. cit., p. 27. 28. Taguieff, Les Protocoles des Sages de Sion, op. cit. 29. Taguieff, Les Protocoles des Sages de Sion, op. cit. p. 32. 30. Taguieff, Les Protocoles des Sages de Sion, op. cit. p. 32. 31. Taguieff, Les Protocoles des Sages de Sion, op. cit., p. 133. 32. Taguieff, Les Protocoles des Sages de Sion, op. cit., pp. 17-18. 33. Sarfati, La parole empoisonnée, op. cit., pp. 43-44 34. Sarfati, La parole empoisonnée, op. cit., p. 71. 35. Cohn, Histoire d’un mythe, op. cit. pp. 179-180. Cohn cite Adolphe Hitler, Mein Kampf, 11e édition, Munich, 1942, p. 337. 36. Mgr Jouin, Le Péril judéo-maçonnique, vol. 1, Les « Protocols » des Sages de Sion, Paris, 1920, p. 6., cité par Sarfati, La parole empoisonnée, op. cit., p. 60. 37. Roger Lambelin, « Protocols » des Sages d’Israël, Paris, Bernard Grasset, 2e éd. 1925, réimpr. 1937, p. 15, cité par Sarfati, La parole empoisonnée, op. cit., p. 61 38. Roger Lambelin, « Protocols » des Sages d’Israël, op. cit., p. 35, cité par Sarfati, La parole empoisonnée, op. cit., p. 61 39. Office de Propagande Nationale, Le Péril Juif : texte intégral des Protocoles des Sages d’Israël, Paris, OPN, s.d., pp. 3-4. (Selon Taguieff, 1938. Version de Nilus. Préface probablement due à Henry Coston, directeur de l’OPN) 40. Taguieff, Les Protocoles des Sages de Sion, op. cit., I, pp. 29-30. 41. Idem, p. 30. Taguieff citant Alexandre du Chayla, « Serge Alexandrovitch Nilus et les Protocoles des Sages de Sion (1909-1920) », La Tribune Juive, II, n° 72, 14 mai 1921, p.3. 42. Cohn, Histoire d’un mythe, op. cit., pp. 179-180, citant Adolphe Hitler, Mein Kampf, 11e édition, Munich, 1942, p. 337. 43. Taguieff, Les Protocoles des Sages de Sion, op. cit. I, p. 31. 44. Conspiracy theory of ignorance. Taguieff, Les Protocoles des Sages de Sion , op. cit. I, p. 30 citant Karl R. Popper, Conjectures et réfutations. La croissance du savoir scientifique, (4e éd. revue, 1972) trad. fr. M.-I. et M.B. de Launay, Paris, Payot, 1985, p. 18. 45. Sarfati, La parole empoisonnée, op. cit., p. 61 ss. 46. Jouin, op. cit., p. 13, cité par Sarfati, La parole empoisonnée, op. cit.,. p. 62.  47. A ce propos, voir notamment Sarfati, La parole empoisonnée, op. cit., pp. 44 et 48 ss. 48. Sarfati, La parole empoisonnée, op. cit., p. 58. 49. Sarfati, La parole empoisonnée, op. cit., p. 63. 50. Jouin, Le Péril judéo-maçonnique, op. cit., p. 7., cité par Sarfati, La parole empoisonnée, op. cit., pp. 48-49 et 58. 51. Sarfati, La parole empoisonnée, op. cit., p. 59. 52. Sarfati, La parole empoisonnée, op. cit., p. 67 53. Jouin, Le Péril judéo-maçonnique, op. cit., p. 28, cité par Sarfati, La parole empoisonnée, op. cit., p. 67. 54. Taguieff, Les Protocoles des Sages de Sion, op. cit. I, p. 117. 55. Lambelin, « Protocols » des Sages d’Israël, op. cit., cité par Sarfati, La parole empoisonnée, op. cit., p. 95.  56. Ceux qu’elle appelle « la populace » 57. Hannah Arendt, Sur l’antisémitisme, Paris, Calmann-Lévy, 1973, p. 235. 58. Sarfati, La parole empoisonnée, op. cit., p. 45, ss. 59. Serge Nilus, Velikoïe v Malom i Antikrist…, Tsarskoïe Selo, 1905, reprise par L. Fry, Le Juif notre maître, Paris, R.I.S.S., 1931, retranscrite dans Taguieff, Les Protocoles des Sages de Sion, op. cit. II, pp. 539-540. 60. Gottfried zur Beck, Die Geheimnisse der Weisen von Zion, Charlottenburg, Auf Vorposten Vlg, 1919, retranscrite dans Taguieff, Les Protocoles des Sages de Sion, op. cit. II, p. 541. 61. Anonyme, En garde ! Lis et fais circuler, années 1897-1920, Varsovie, 1919, retranscrite dans Taguieff, Les Protocoles des Sages de Sion, op. cit. II, p. 542, ss. 62. George Shanks, The Jewish Peril, Protocols of the Learned Elders of Zion, 4e éd., Londres, V. Marsden, « The Britons », 1921, retranscrite dans Taguieff, Les Protocoles des Sages de Sion, op. cit. II, pp. 594-595. 63. Lambelin, « Protocols » des Sages d’Israël, op. cit., retranscrit dans Taguieff, Les Protocoles des Sages de Sion, op. cit. II, p. 578 ss. 64. Taguieff, Les Protocoles des Sages de Sion, op. cit. I, p. 171. 65. Taguieff, Les Protocoles des Sages de Sion, op. cit., p. 171. 66. Taguieff, Les Protocoles des Sages de Sion, op. cit., pp. 171-172. 67. Taguieff, Les Protocoles des Sages de Sion, op. cit. I, p. 172. 68. Préface de l’édition française de Roger Lambelin, « Protocols » des Sages d’Israël, op. cit., citée par Sarfati, La parole empoisonnée, op. cit., p. 51. 69. Lambelin, Les « Protocols » des Sages d’Israël, op. cit., p. 35, cité par Sarfati, La parole empoisonnée, op. cit., p. 51. 70. Office de Propagande Nationale, Le Péril juif, op. cit., p. 4. 71. Office de Propagande Nationale, Le Péril juif, op. cit., p. 4. 72. Taguieff, Les Protocoles des Sages de Sion, op. cit. I, p. 171. 73. Office de Propagande Nationale, Le Péril juif, op. cit., p. 94 74. Sarfati, La parole empoisonnée, op. cit., p. 71 75. Sur cette organisation du texte, voir Cohn, Histoire d’un mythe, op. cit., p. 65. 76. Office de Propagande Nationale, Le Péril juif, op. cit., p. 5.  77. Office de Propagande Nationale, Le Péril juif, op. cit., p. 6. 78. Office de Propagande Nationale, Le Péril juif, op. cit., p. 6. 79. Citations extraites de Office de Propagande Nationale, Le Péril juif, op. cit., p. 9. 80. Office de Propagande Nationale, Le Péril juif, op. cit., p. 7. 81. Citations extraites de Office de Propagande Nationale, Le Péril juif, op. cit., pp. 7-9. 82. Office de Propagande Nationale, Le Péril juif, op. cit., p. 10. 83. Taguieff, Les Protocoles des Sages de Sion, op. cit. I, p. 212. 84. Taguieff, Les Protocoles des Sages de Sion, op. cit., p. 213. 85. Office de Propagande nationale, Le Péril juif, op. cit., p. 3. 86. Office de Propagande Nationale, Le Péril juif, op. cit., p. 55. 87. Office de Propagande Nationale, Le Péril juif, op. cit., p. 71 88. Taguieff, Les Protocoles des Sages de Sion, op. cit. I, p. 214 89. Voir supra. 90. Office de Propagande Nationale, Le Péril juif, op. cit., p. 15. 91. Sarfati, La parole empoisonnée, op. cit., p. 71. 92. Lambelin, Les « Protocols » des Sages d’Israël, op. cit., p. 113, cité par Sarfati, La parole empoisonnée, op. cit., p. 151.  93. Sarfati, La parole empoisonnée, op. cit., p. 148. 94. Office de Propagande Nationale, Le Péril juif, op. cit., p. 25. 95. Jouin, Le Péril judéo-maçonnique, op. cit., p. 115, cité par Taguieff, Les Protocoles des Sages de Sion, op. cit. I, p. 212. 96. Office de Propagande Nationale, Le Péril juif, op. cit., p. 25. 97. Office de Propagande Nationale, Le Péril juif, op. cit., p. 9. 98. Office de Propagande Nationale, Le Péril juif, op. cit., p. 9. 99. Office de Propagande Nationale, Le Péril juif, op. cit., p. 20. 100. Office de Propagande Nationale, Le Péril juif, op. cit., p. 65. 101. Sarfati, La parole empoisonnée, op. cit., pp. 71-72. 102. Office de Propagande Nationale, Le Péril juif, op. cit., p. 13. 103. Office de Propagande Nationale, Le Péril juif, op. cit., p. 14. 104. Office de Propagande Nationale, Le Péril juif, op. cit., p. 16. 105. Citations extraites de Office de Propagande Nationale, Le Péril juif, op. cit., p. 6. 106. Citations extraites de Office de Propagande Nationale, Le Péril juif, op. cit., p. 40. 107. Office de Propagande Nationale, Le Péril juif, op. cit., p. 64. 108. Citations extraites de Office de Propagande Nationale, Le Péril juif, op. cit., p. 8. 109. Office de Propagande Nationale, Le Péril juif, op. cit., p. 22. 110. Office de Propagande Nationale, Le Péril juif, op. cit., p. 46. 111. Citations extraites de Office de Propagande Nationale, Le Péril juif, op. cit., pp. 58-59 112. Office de Propagande Nationale, Le Péril juif, op. cit., p. 61 113. Office de Propagande Nationale, Le Péril juif, op. cit., p. 25. 114. Office de Propagande Nationale, Le Péril juif, op. cit.., p. 46. 115. Office de Propagande Nationale, Le Péril juif, op. cit.., p. 31. 116. Citations extraites de Office de Propagande Nationale, Le Péril juif, op. cit., pp. 7-8. 117. Office de Propagande Nationale, Le Péril juif, op. cit., p. 10. 118. Office de Propagande Nationale, Le Péril juif, op. cit., p. 61. 119. Citations extraites de Office de Propagande Nationale, Le Péril juif, op. cit., p. 6. 120. Office de Propagande Nationale, Le Péril juif, op. cit., p. 26. 121. Office de Propagande Nationale, Le Péril juif, op. cit., p. 26. 122. Office de Propagande Nationale, Le Péril juif, op. cit., p. 12. 123. Office de Propagande Nationale, Le Péril juif, op. cit., p. 23. 124. Office de Propagande Nationale, Le Péril juif, op. cit., p. 81. 125. Office de Propagande Nationale, Le Péril juif, op. cit., p. 81. 126. Office de Propagande Nationale, Le Péril juif, op. cit., p. 19. 127. Office de Propagande Nationale, Le Péril juif, op. cit., p. 80. 128. Office de Propagande Nationale, Le Péril juif, op. cit., p. 12. 129. Citations extraites de Office de Propagande Nationale, Le Péril juif, op. cit., pp. 17-18.  130. Office de Propagande Nationale, Le Péril juif, op. cit., p. 10. 131. Office de Propagande Nationale, Le Péril juif, op. cit., p. 57. 132. Office de Propagande Nationale, Le Péril juif, op. cit., p. 22. 133. Office de Propagande Nationale, Le Péril juif, op. cit., p. 15. 134. Office de Propagande Nationale, Le Péril juif, op. cit., p. 26. 135. Office de Propagande Nationale, Le Péril juif, op. cit., p. 25. 136. Office de Propagande Nationale, Le Péril juif, op. cit., pp. 11-12. 137. Office de Propagande Nationale, Le Péril juif, op. cit., p. 20. 138. Office de Propagande Nationale, Le Péril juif, op. cit., p. 45. 139. Taguieff, Les Protocoles des Sages de Sion, op. cit. I, p. 212. 140. Taguieff, Les Protocoles des Sages de Sion, op. cit. I, p. 315. 141. Taguieff, Les Protocoles des Sages de Sion, op. cit. I, p. 317, citant Arthur R. Butz, The Hoax of the Twentieth Century, 2e éd., Brighton, Sussex, Historical Review Press, 1977. 142. Sarfati, La parole empoisonnée, op. cit., p. 70, ss. 143. Sarfati, La parole empoisonnée, op. cit., p. 42. 144. Sarfati, La parole empoisonnée, op. cit., p. 41. 145. Friedländer Saul, L’antisémitisme nazi : histoire d’une psychose collective, Paris, Seuil, 1971, pp. 106-107.

Les Protocoles des Sages de Sion


Une étude de Damien COTTIER

dans le cadre du Séminaire « l'antisémitisme moderne » du prof. Philippe BURRIN - Genève, le 22 janvier 2002

© Damien Cottier 2002 - Reproduction interdite sauf pour usage personnel - No reproduction except for personal use only
 


1. Plan

1. Plan

2. Introduction

2.1. Problématique 

3. Aux origines des Protocoles

4. La diffusion des Protocoles

5. Les Protocoles : Un Faux

6. La théorie du complot : les Protocoles grille de lecture du monde

7. Analyse des préambules de quelques éditions

7.1. Accréditer le texte

7.1.1. La preuve par les faits

7.1.2. La preuve par le doute

7.1.3. La preuve par la nature même du judaïsme

7.1.4. Autre moyens de justification 

7.2. Dénoncer le complot « judéo-maçonnique »

7.3. Appeler à la réaction

8. Analyses du texte des Protocoles des Sages de Sion

8.1. La « philosophie » du complot

8.1.1. Aspects moraux

8.1.2. Aspects politiques

8.2. Thèses ésotériques ou théologiques

8.2.1. Omnipotence diabolique

8.2.2. La Synagogue : officine du Diable (essence maléfique du judaïsme)

8.2.3. Le peuple « élu »

8.2.4. Le Roi de Sion 

8.3. Thèses profanes, banales ou politiques

8.3.1. Action politique

8.3.2. Action financière et économique

8.3.3. Action sociale

8.4. Autres aspects

8.4.1. Un complot intemporel et omniprésent

8.4.2. L’effectivité du complot

8.4.3. Juifs et « Goyim »

8.5. Des reproches contradictoires ?

8.6. La logique ultime

9. Conclusion : une farce sanglante 

10. Bibliographie

Sources 

Ouvrages

Articles

 

2. Introduction

Les Protocoles des Sages de Sion sont un document exceptionnel. Exceptionnel car ils ont connu, et connaissent encore, un succès phénoménal. A tel point que des observateurs ont estimé qu’il était, après la Bible, certainement le livre le plus diffusé en Europe dans l’Entre-deux-guerres. Ce livre a joué un rôle essentiel dans l’antisémitisme moderne et a inspiré la vision des Juifs dont ont hérité les nazis, aux premiers rangs desquels Hitler, Goebbels et Rosenberg. Le Troisième Reich ne se gêne d’ailleurs pas d’utiliser très largement cet ouvrage et de le diffuser, tant sur son territoire que dans d’autres pays, pour accréditer son combat contre la « peste juive ».

Faux composé selon toute vraisemblance par la police secrète tsariste à la fin du XIXe siècle ou au début du XXe siècle, les Protocoles prétendent recenser les compte-rendus de séances lors desquel les « Sages de Sion » décrivent, dans le menu détail, le complot que le peuple Juif ourdit depuis la nuit des temps dans le plus grand secret pour prendre le contrôle du monde.

Même si il a rapidement été identifié comme tel, ce faux n’a pourtant pas disparu de la circulation. Les différentes analyses critiques qu’il a subies n’ont eu aucun impact sur sa popularité. Au contraire, après la première guerre mondiale le succès du livre n’a cessé de croître jusqu’à la seconde guerre mondiale.

L’histoire des Protocoles est donc l’histoire d’un faux, connu rapidement comme tel, mais d’un faux que nombreux ont compris, ou ont voulu comprendre, par bêtise, par confort, par goût ou par intérêt comme un document véridique dévoilant un des plus sinistres complots de l’Histoire.

Les Protocoles tiennent un rôle à part dans l’Histoire tant par leur succès que par l’importance qu’ils ont prise dans la politique nazie qui mena à l’abomination de la Shoah.

2.1. Problématique

Notre propos sera de tenter d’analyser la structure de ce texte si sinistrement fameux. Quelle image donnent d’eux-mêmes les Juifs, auteurs présumés de ces textes, à travers la description de leurs actes et de leurs projets ?1 Nous allons tenter de dresser la liste des préjugés antisémites utilisés par les Protocoles pour dénoncer le complot juif en les faisant entrer dans une grille d’analyse précise. C’est le but du chapitre 8.

Pourtant étudier le texte des Protocoles seul serait insuffisant. Comme nous le verrons, chaque édition a été accompagnée d’une préface (ou parfois d’une postface) destinée à éveiller l’attention du lecteur sur le côté maléfique des Juifs, à accréditer, contre vents et marées, la véracité du contenu de l’ouvrage et à appeler à la réaction des Non-juifs. Il fallait donc analyser également le contenu de ces messages rédigés cette fois ouvertement par les éditeurs des Protocoles, qui assumaient ainsi publiquement leur haine des Juifs, et non plus sous couvert de prétendus procès-verbaux émanant des conspirateurs. Nous nous y attacherons dans le chapitre 7.

Nous avons aussi estimé utile, afin de cerner notre sujet, d’émettre quelques appréciations sur la célèbre « théorie du complot » sur laquelle se basent entièrement les Protocoles (chapitre 6).

Mais auparavant, il fallait, après avoir établi son caractère apocryphe (chapitre 5) présenter sommairement l’origine de ce texte et son histoire rocambolesque si précisément décrite par Norman Cohn2, et sa diffusion de par le monde (chapitres 3 et 4).

3. Aux origines des Protocoles

Nous pourrions écrire longuement sur les origines complexes et, à bien des égards, mystérieux des Protocoles des Sages de Sion. Nous nous contenterons toutefois ici de tracer sommairement quelques moments-clé de leurs débuts.

Les Protocoles sont l’aboutissement d’une séries d’écrits antisémites divers qui sont publiés à la fin du XIXe siècle. Parmi ceux-ci, Norman Cohn cite notamment :

Parallèlement, des publications comme « Le Juif, le judaïsme et la judaïsation des peuples chrétiens » de Gougeot des Mousseaux10 dénonce les liens entre les Juifs, disciples de l’Antéchrist, et Satan. Cette thèse sera reprise dans de nombreuses autres publications11 Jusqu’à la « France juive » de Drumont (1886) qui diffuse le mythe de la conspiration judéo-maçonnique12.

Dans le même temps est publié en Russie le « Livre de Kahal » qui accuse les Juifs de vouloir ruiner les commerçants chrétiens13.

Enfin, un petit escroc du nom de Osman-Bey (ou Millinger, ou Kibridli-Zade) publie « la conquête du monde par les Juifs » qui dénonce le rôle de grand comploteur de l’Alliance Israëlite Universelle, organisation juive basée à Paris14.

Ces différents textes ont pavé le chemin des Protocoles des Sages de Sion.

Ceux-ci sont composés en français, vraissemblablement à Paris, dans un milieu lié à la police secrète russe dans les années 1897-98. Il sont traduits en russe en 1901 et sont publiés pour la première fois par un antisémite du nom de Kroutchevan en 1903. On en trouve rapidement plusieurs éditions. Les deux plus célèbres sont celles de G.V. Boutmi, officier retraité, qui s’inspire d’une édition anonyme de 1905 basée sur l’édition de Kroutchevan de 1903, et celle de l’écrivain Serge A. Nilus, proche de la Cour impériale, qui dépendrait directement de la traduction russe de l’original en français. C’est cette dernière version qui va servir de base à l’édition mondialement diffusée15.

Mais d’ou provient le texte initial des Protocoles ? Le mystère demeure. Selon la version la plus largement soutenue, il aurait été composé par un agent de la police secrète russe, à Paris. L’auteur présumé est un certain Ratchkovsky. Ce texte devait lui permettre, c’est la théorie de Cohn, de discréditer le puissant ministre Russe des finances, Serge Witté.

Comment est-il arrivé dans les mains de nos éditeurs ? Le mystère demeure. Les auteurs postulent de liens complexes entre les différents protagonistes précités.

Notons que cette thèse n’est pas unanimement partagée, ainsi Cesare de Michelis estime que le texte initial ne peut pas être antérieur à 1902-190316 et ne peut donc pas être attribué à Ratchkovsky déjà rappelé à Saint-Pétersbourg à cette date.

Sur bien des points les origines précises du texte restent mystérieuses et embrouillées.

4. La diffusion des Protocoles

Apparus en Russie, les Protocoles y alimentent des pogroms. Ils sont notamment diffusés par les Centuries noires, milices nationalistes et antisémites usant souvent de violence. Les Protocoles seront largement diffusés après la révolution d’octobre par les « Russes blancs ». La découverte d’un exemplaire des Protocoles parmi les affaires de la Tsarin après son assassinat à Ekaterinbourg ainsi que celle d’une croix gammée (signe de chance) dessinée sur sa fenêtre contribuent largement au succès de l’ouvrage17.

Après la Russie, les Protocoles émigrent d’abord, dès 1919, en Allemagne où leur succès va croissant. La première édition à succès est celle d’un certain Müller von Hausen (aussi appelé Gottfried zur Beck), rédacteur en chef de Auf Vorposten. Une autre édition est signée Théodor Fritsch, un antisémite notoire. L’ouvrage est constamment réédité : il connaît 5 rééditions en moins de deux ans ! Il est notamment à la source de l’assassinat du ministre allemand des affaires étrangères, Walther Rathenau, en 1922. Les Protocoles seront par la suite très largement diffusés par le parti nazi.

Les Protocoles connaissent dès 1920 une diffusion mondiale, notamment aux USA et en Grande-Bretagne. Dans ce dernier pays, c’est le Times du 8 mai 1920 qui le diffuse, lui donnant un écho mondial. Le Morning Post devient ensuite son plus ardent défenseur.

Aux Etats-Unis l’industriel Henry Ford soutient l’édition des Protocoles, malgré les protestation de nombreuses personnalités, dont le président Wilson. Ultérieurement Ford se rétractera.

Dès 1920, les Protocoles sont aussi diffusés en France et en Pologne.

En France on assiste d’abord à leur diffusion par le quotidien (fondé par Drumont) la Libre Parole, puis à deux éditions, l’une émanant de la revue La Vieille France, l’autre étant l’œuvre de Monseigneur Jouin, curé de Saint-Augustin à Paris, qui use de son prestige religieux pour appuyer ce texte. En 1921, Roger Lambelin publie une 4e version française des Protocoles.

Après le second conflit mondial, la diffusion des Protocoles cesse pratiquement en Europe, du moins dans un premier temps. Pourtant le texte n’est pas mort, il réapparaît notamment dans les pays arabes suite à la création de l’Etat d’Israël et des guerres des Six-Jours et du Kippour. Il est également diffusé dans les pays d’Amérique latine et les dictatures européennes (Espagne, Portugal) dans les années 1970.

D’autres éditions réapparaissent dans la plupart des pays, y compris en Europe occidentale avant que certains Etats ne se décident à interdire le texte.

Actuellement, on trouve facilement différentes versions des Protocoles sur Internet. La diffusion des Protocoles est donc bel et bien vivante de nos jours dans de nombreux Etats.

5. Les Protocoles : Un Faux

L’authenticité des Protocoles a été très rapidement mise en doute. Les 16, 17 et 18 août 1920 le Times de Londres, qui leur avait le 8 mai précédant donné un écho mondial, publie des articles de son correspondant à Constantinople, Philip Graves, qui démontre que les Protocoles ne sont qu’un grossier plagiat du Dialogue aux Enfers entre Machiavel et Montesquieu. Ce Dialogue est un ouvrage oublié du français Maurice Joly, publié en 1864 à Bruxelles, qui cherchait ainsi à lutter contre les méthodes du « despote » Napoléon III. De très grandes parties du texte des Protocoles, et certaines « séances » presque entières sont en réalité de simples adaptations du texte de Joly. Dès la parution de cet article, selon les propos de Taguieff, « L’inauthenticité des Protocoles était matériellement prouvée, son caractère apocryphe enfin bien établi »18.

Plusieurs études viendront confirmer cette analyse, une des plus éclairantse étant certainement l’ouvrage monumental de Henry Rollin, L’Apocalypse de notre temps : les dessous de la propagande allemande d’après des documents inédits, publié en 193919.

Mais rien n’y fera, les Protocoles continueront leur chemin, malgré ces démonstration qu’à l’évidence, ils constituent des faux fabriqués de toutes pièces sur la base des documents que nous avons évoqués plus haut.

Citons encore que la justice suisse a dû prendre position sur la question. En 1933, les Juifs de Suisse déposent en effet plainte devant des tribunaux bernois et bâlois contre la diffusion des Protocoles. La procédure bâloise sera abandonnée, les organisations juives décidant de concentrer tous leurs moyens sur la procédure ouverte à Berne.

Après un procès qui connaît de nombreux aléas et dont le retentissement est international, la justice bernoise condamne deux des accusés, établissant avec une clarté absolue que les Protocoles sont de vulgaires faux. Ainsi le juge déclare-t-il « Je tiens les Protocoles pour un faux, un plagiat, pour une stupidité ridicule. »20.

Après recours, les condamnés gagnent pourtant sur la forme en 1937 : le livre ne pouvait être considéré comme de la littérature « immorale » au sens de la loi bernoise. Mais la justice ne revient pas sur l’appréciation qu’elle a fait de l’inauthenticité du document. Notons au passage que les accusés ont, durant le procès, reçu un fort appui, notamment financier, du parti nazi allemand ! 21

6. La théorie du complot :
les Protocoles grille de lecture du monde

Une des particularités des Protocoles, une de celles qui expliquent son succès et qui les ont rendus si dangereux, c’est de parvenir à associer les deux principaux griefs opposés aux Juifs, à savoir :

La première accusation relève d’une logique cartésienne : les Juifs organisent un complot politico-financier dont les ramifications s’étendent dans le monde entier. Pour mener à bien leurs plans de conquête du monde, ils intriguent, ils complotent, ils agissent dans le plus grand secret.

Quant au second terme de ce double reproche, il donne toute leur « saveur » mystérieuse aux Protocoles en se rapportant à la vieille mythologie antisémite du Juif empoisonneur de puit ou assassin d’enfants, du Juif ayant pactisé avec le Diable, du Juif aux pouvoirs maléfiques et surnaturels, toutes superstitions médiévales encore très présentes dans l’imagerie traditionnelle antisémite (ou antijudaïque).

C’est la conjonction de l’ensemble de ces accusations savamment associées qui font des Protocoles une sorte de « mode d’emploi » de l’antisémitisme pour reprendre l’image développée par Sarfati23.

Les Protocoles se basent sur la « théorie du complot » comme grille de lecture de la complexité du monde. Nous ne saurions développer trop longuement ici une analyse de cette théorie par ailleurs étudiée par les sociologues et psychologues. Notons toutefois qu’elle permet une synthèse entre les deux philosophies antagonistes qui tentent d’expliquer le cours de l’Histoire humaine : la philosophie cartésienne qui analyse les événements par le prisme de la volonté humaine d’appliquer un programme rationnel et prédéfini et la vision hégélienne qui suppose que les destinées humaines sont menées vers une fin qu’elles ne peuvent comprendre et maîtriser24.

Selon Taguieff, la théorie du complot réalise la « synthèse magique de ces deux visions : ce ne sont pas les hommes qui font l’histoire mais des hommes »25. Le complot d’un petit groupe remplace donc la Providence dans son rôle de grand manipulateur des destinées humaines à des fins prédéfinies.

Au delà, la théorie du complot permet d’expliquer simplement aux Hommes, les malheurs du monde en leur dévoilant leur impuissance de « marionnettes manipulées par d’invisibles puissances »26. Cette explication postule donc que la puissance manipulatrice (bonne ou mauvaise, d’ailleurs) soit intelligente et « inaccessible aux simples mortels »27. De là découle un paradoxe : si les principes guidant cette puissance supérieure et invisible sont inaccessibles, comment expliquer qu’un humain puisse percer ces mystères et publier ses intentions ? Pour reprendre la formule de Taguieff, le théoricien de la Conspiration devient alors « celui qui est capable de voir l’invisible […] cet humain […] se rend ainsi surhumain »28. Ce faisant, il se place dans une situation privilégiée… et supérieure aux autres humains aveuglés.

La théorie du complot juif ne se contente donc pas d’expliquer les évènements humains par l’intervention de quelque société secrète bien organisée. Elle ajoute à ces aspects matériels un voile théologique (ou plus simplement un lot de superstitions) en supposant qu’au delà du monde visible ou vivent et agissent les Hommes, existe tout un monde parallèle, invisible, où agissent les puissances secrètes : Dieux ou Diables29. Car pour organiser un tel complot, mondial, il faut être doué de pouvoirs occultes et surnaturels. Comment régir le monde entier sans posséder le don d’ubiquité ? Pour remplir cette exigence, les Protocoles postulent l’existence du « Juif international »30 qui dirige un complot contre l’humanité entière.

On peut d’ailleurs postuler que cette théorie du complot s’adapte parfaitement tant aux partisans de la théorie des races qu’aux partisans du nationalisme. Positionnant le Juif dans une situation différente (par nature différente et donc à rejeter pour les racistes, les Juifs sont éventuellement assimilables pour les nationalistes, ils peuvent prouver leur attachement à leur Nation d’adoption). Pourtant l’une comme l’autre désignent les Juifs comme l’ennemi naturel et éternel de leur Nation, voire de la race humaine. Même si les nationalistes ne s’appuient pas sur leur différence de « race » pour les rejeter, ils postulent leur caractère foncièrement négatif de comploteurs pour en arriver à une conclusion identique31.

7. Analyse des préambules de quelques éditions

Comme nous l’avons mentionné ci-dessus, la publication des Protocoles des Sages de Sion repose sur un troublant paradoxe : si le gouvernement mondial juif agit dans la plus grande discrétion, comment est-il possible que ses secrets les plus essentiels (et quels secrets : un plan de domination du monde !!) puissent se trouver entre les mains de ses ennemis ? En fait, comment peut-on accréditer la thèse de la véracité des Protocoles alors même que, si les séances qu’ils sont censés relater avaient vraiment eu lieu, il est douteux que des procès-verbaux en auraient été tirés, par souci de discrétion.32 C’est ce besoin de justifier l’injustifiable qui a poussé tous les éditeurs du texte à publier des commentaires en guise de préface. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si, comme le mentionne Sarfati « A ce jour, sans préjuger des éditions sauvages de ce texte aujourd’hui interdit, aucune version des Protocoles n’a paru qui n’ait été précédée d’une introduction prétendant en accréditer l’authenticité et, partant, en appeler à lutter contre le groupe de conspirateurs présumés »33.

Ces préface ne font qu’éclairer le texte par la négative : elle mettent en exergue, par anticipation, les accusations antijuives dont le texte est porteur. Le texte, prétendument d’origine juive, qui suit devient donc non plus un exposé, mais un document accusatoire précédé d’une préface-réquisitoire34.

En fait, les préambules des différentes versions des Protocoles répondent en général à trois préoccupations : il s’agit d’accréditer le texte et son authenticité (ou du moins sa véracité), de dénoncer le dangereux complot et, enfin, d’appeler à la réaction. Nous allons étudier ici ces trois fonctions plus en détail.

7.1. Accréditer le texte

7.1.1. La preuve par les faits

« C’est la réalité qui fournit le meilleur commentaire. Celui qui étudie le développement historique des dernières cent années du point de vue de ce livre, comprend aussitôt les raisons de l’émoi de la presse juive. Une fois qu’un peuple entier se sera dûment familiarisé avec ce livre, la menace juive pourra être considérée comme déjà vaincue. »35

Cette citation d’Adolphe Hitler résume assez bien un des moyens de « preuve » les plus fréquemment utilisés par les éditeurs des « Protocols » : la comparaison avec les événements. Il s’agit de lire les événements historiques au travers du prisme des Protocoles pour démontrer leur esprit prophétique et, de ce fait, leur validité. Dans ce cadre, l’événement le plus fréquemment cité, car il « colle » bien à la structure des Protocoles, est la Révolution bolchevique de novembre 1917. Ainsi p.ex. Jouin, en 1920 :

« Les Juifs ont tracé le plan de la Révolution mondiale dans les « Protocoles »; le bolchevisme en a commencé la réalisation en Russie, sûr de jeter ainsi les germes de l’anarchie universelle en Orient et en Occident »36.

Les Protocoles sont d’ailleurs remarquablement adaptables et parviennent à expliquer bien des choses, ainsi que l’illustre ce passage :

« Il n’est peut-être pas téméraire de penser que si, tout récemment, l’Angleterre a conclu une paix avec les Soviets, c’est parce que les Israëlites du ministère et ceux qui gravitent autour de M. Lloyd George ont eu assez d’influence sur le gouvernement britannique pour l’amener, sous le couvert d’avantages commerciaux, à soutenir le régime juif de la Russie révolutionnaire. […] »37

Ou encore :

« […] et l’effondrement de la Russie, les clauses anormales de la paix, la création du super-gouvernement, appelé Société des Nations, l’établissement du judaïsme à Jérusalem, constituent la plus éclatante démonstration de la réalité du plan de conquête arrêté par les Sages de Sion. »38

Tous ces faits étaient, nous dit-on annoncés par les Protocoles, les voilà réalisés. Quelle meilleure preuve de leur authenticité ? C’est la question que se pose le Times le 8 mai 1921, repris par une édition française des Protocoles :

« Que signifient ces protocoles ? Sont-ils authentiques ? Une bande de criminels a-t-elle élaboré ces plans diaboliques ? Voit-elle aujourd’hui avec triomphe leur réalisation ? Sont-ils falsifiés ? Mais alors comment expliquer ce don de prophétie qui fit décrire les événements par anticipation ? »39

7.1.2. La preuve par le doute

Le stade ultime de la justification des Protocoles revient à prouver leur véracité par le doute sur leur authenticité. En réalité les défenseurs des Protocoles des Sages de Sion arguent que « quiconque, de bonne foi, doute de la véracité des Protocoles, c’est-à-dire de leur contenu authentiquement prophétique ou de leur valeur de vérité, est possédé par Satan »40. A titre d’illustration, on peut, avec Taguieff, citer la réaction de S. A. Nilus à une mise en cause de l’authenticité des Protocoles par Alexandre du Chayla :

« Vous êtes vraiment sous l’influence du Diable […]. La plus grande ruse de Satan est de faire nier non seulement son influence sur les choses de ce monde, mais jusqu’à son existence. […] »41

On peut également citer cette réaction d’un antisémite qui acquis quelque notoriété, Adolphe Hitler, devant une protestation sur l’authenticité des Protocoles :

« La mesure dans laquelle toute l’existence du peuple [juif] est fondée sur un mensonge permanent ressort d’une manière aveuglantes des Protocoles des Sages de Sion, que les Juifs haïssent tellement. Ce n’est pas pour rien que la Frankfurter Zeitung ne cesse de clamer qu’ils sont basés sur un faux : c’est même la preuve la meilleure de leur authenticité. Ce que de nombreux Juifs font peut-être inconsciemment s’y trouve systématiquement exposé. Et c’est cela qui compte. Peut importe de savoir quel cerveau juif fut l’auteur de ces révélations. Ce qui compte, c’est qu’il découvrent, d’une manière irréfutable, la nature et les activités du peuple juif, exposant leur logique intérieure et leurs buts finaux. »42

Il est frappant de noter que pour Hitler, comme pour de nombreux défenseurs de la véracité des Protocoles, l’analyse critique du document ne parvient qu’à renforcer sa crédibilité. Le fait même que l’on cherche à nier leur valeur est, pour les partisans de la théorie du complot juif, une preuve supplémentaire de la perversité des comploteurs. Notons également que pour le futur Führer, il ne fait pas de doute que ce texte est sorti d’un « esprit juif ». Quel qu’il soit, l’auteur de cet écrit ne peut être qu’un partisan du complot et non pas un antisémite à ses yeux !

Dans l’esprit des antisémites, on se dirige donc vers l’accréditation d’un « complot juif secondaire »43 qui viserait à nier l’authenticité des Protocoles pour protéger le complot primaire ! C’est ce que Karl Popper appelle la « théorie conspirationniste de l’ignorance »44 qui cherche à démontrer que l’ignorance n’est pas fruit d’un manque de connaissance, mais la conséquence d’une volonté délibérée des comploteurs afin de diminuer toute résistance au complot.

7.1.3. La preuve par la nature même du judaïsme

Postulant la nature démoniaque du judaïsme, les éditeurs assènent sans citer de source ou de moyen de preuve supplémentaire l’authenticité des Protocoles pour la bonne raison qu’ils exposent au grand jour ladite nature et ses méthodes de travail45. Ainsi, Jouin écrit-il en 1920 :

« L’éditeur allemand n’est pas moins explicite. Sous ce titre : Le judaïsme dévoilé, il écrit : “D’après l’exposé que nous avons décrit […] il peut se faire que les Juifs en contestent l’authenticité, mais le lecteur non-juif reconnaîtra facilement que chaque mot de ces « protocols » respire l’esprit juif, que chaque idée correspond à la vision juive du monde, et que le Juiverie, depuis qu’elle est entrée dans l’Histoire universelle, poursuit tous les buts qui y sont indiqués” »46

La démonstration est simple (et bien sûr simpliste) : la nature même du Juif étant (pourquoi, comment ?) telle que le décrit ce livre, ce livre est donc digne de crédit, au delà de toute critique objective du document.

7.1.4. Autre moyens de justification

Comme c’est souvent le cas pour ce genre de littérature, une des méthodes pour tenter d’accréditer le texte est de se baser sur sa diffusion et ses traduction, laissant ainsi entendre qu’un texte qui a été largement diffusé et traduit ne peut pas être un faux. Si cette méthode de justification n’a, bien entendu, aucun fondement scientifique, elle garde pourtant une certaine efficacité. Les propagateurs des Protocoles ne se privent naturellement pas de cet instrument de justification47. En outre, le renom des auteurs ou éditeurs des Protocoles est également cité fréquemment comme source de crédibilité48. A l’inverse, les voix critiques émanent toujours de personnes jugées comme de mauvaise foi ou non-crédibles49.

Ainsi, l’édition de Mgr Jouin de 192050 note-t-elle que les « Protocols » émanent d’un original russe dû à la plume du « professeur Serge Nilus » qui est « un savant qui jouit, en Russie, de la réputation d’un érudit consciencieux et rigoureusement croyant, d’un homme distingué par l’élévation de son esprit ». Son édition est par ailleurs déposée au « authenticité » et a été « sans doute imprimée dans le célèbre monastère de Saint-Serge situé aux environs de Moscou ». Jouin mentionne également l’édition du « célèbre écrivain et polémiste russe, C. Butmi » avant de mentionner les traductions anglaise, allemande, américaine et polonaise.

Afin de justifier leur propos, les antisémites ont également l’habitude de se « citer parmi ». C’est à dire qu’ils s’appuient sur d’autre écrits antisémites antérieurs, comme le Discours du Rabbin, également faux, pour étayer leur thèse51.

Enfin, si on en arrive même à admettre le peu de crédit à accorder à l’ « authenticité » du document, il suffit de revendiquer sa « véracité ». Les éditeurs qui se livrent à cet exercice établissent donc que, passé l’épreuve des faits le contenu du document est vrai, même si le texte lui-même ne l’est pas. Le faux est donc vrai, il suffisait d’y penser52 :

« C’est en vain que les Juifs opposent à de tels aveux leurs persistantes dénégations : elles ne sont pas recevables. L’authenticité de nos documents peut prêter matière à d’interminables discussions, leur véracité est aveuglante […] »53

Fin de la discussion.

7.2. Dénoncer le complot « judéo-maçonnique »

Nous devons relever que dans la logique des protocoles, le complot dévoilé n’est pas celui des Juifs seuls. Ceux-ci sont, presque toujours associés aux francs-maçons. Tantôt considérée comme émanation du judaïsme, tantôt comme force maléfique au service des juifs54 (« il est naturel que ce soit nous, et personne d’autre, qui menions les affaires de la franc-maçonnerie […] »55), la franc-maçonnerie est, elle aussi, dans le collimateur des propagateurs des Protocoles qui dénoncent un complot « judéo-maçonnique ».

La désignation de sociétés secrètes comme coupables de complots contre l’humanité n’est d’ailleurs pas une invention récente. Hannah Arendt relève que la population56 « a tendance à croire que les forces réelles de la vie politique résident dans les mouvements et les influences occultes qui opèrent en coulisse »57 relevant que ce rôle de conspirateur a été attribué tour à tour aux Rose-croix, aux Templiers, aux Jésuites, aux Francs-maçons puis aux Juifs, ces derniers probablement le plus tardivement.

Sarfati estime que la désignation des coupables varie d’ailleurs au fil des éditions. Qu’ils la voient comme un moyen au service du judaïsme ou comme un complice de celui-ci, les premières éditions des Protocoles accusent fortement la Franc-maçonnerie d’être coresponsable de ce complot. Les éditions ultérieures, même si elles n’abandonnent jamais définitivement l’aspect maçonnique, la relèguent clairement au second plan pour porter l’accent principal sur la responsabilité des Juifs dans la conspiration universelle58.

On peut pourtant douter de cette analyse. Si elle semble fondée sur la base des deux éditions françaises analysées par l’auteur, il est hasardeux de la généraliser. Ainsi la préface de la deuxième édition russe de Nilus59 de 1905, celle, allemande, de zur Beck60 de 1919, la polonaise anonyme de 191961, l’anglaise de George Shanks62 ou encore la française de Roger Lambelin en 193763 désignent déjà exclusivement « les Juifs », les « Israëlites », le « Judaïsme » ou, pour la dernière, les « Sionistes », ignorant l’aspect maçonnique du complot.

La particularité des Protocoles des Sages de Sion est d’associer dans son système d’explication des maux du monde trois mouvements souvent dénoncé comme porteurs de malheurs : le capitalisme, le communisme et le sionisme.

Le capitalisme est dénoncé en tant que système basé sur le pouvoir d’une ploutocratie qui régit la Haute finance apatride. Le communisme apporte lui la sédition et la révolution antimonarchique. Quant au sionisme, il représente la synthèse de ces deux perversions, alliant les maux de l’un et de l’autre pour dominer le monde. L’ennemi redevient dès lors unique64.

Le sionisme est ainsi redéfini comme une « façade pseudo-nationaliste d’un mouvement de conquête du monde »65. Sous couvert de recouvrer un territoire pour leur peuple, les Juifs organisent le grand complot. Les propagateurs des Protocoles des Sages de Sion dénoncent donc ce mouvement comme le vrai cœur du mal, façade de la plus terrible et de la plus puissante des sociétés secrètes et synthèse des vices du capitalisme et du communisme internationaux66.

L’association du sionisme au complot n’est pourtant pas originelle. Elle émane de la réédition des Protocoles par Nilus en 1917, année de la déclaration Balfour. Nilus abandonne ainsi l’explication qu’il donnait antérieurement de l’origine des protocoles, à savoir qu’ils étaient issus d’un vol proféré aux « Archives secrètes de la Chancellerie centrale de Sion » identifiée à l’Alliance Israëlite Universelle67. Il privilégie la thèse d’une copie réalisée par un espion russe envoyé au 1er Congrès sioniste à Bâle en 1897. Les propagateurs des Protocoles des Sages de Sion précisent d’ailleurs malicieusement que l’espion et ses complices eurent peu de temps pour copier le document, retranscrit durant le voyage du document entre Bâle et Francfort-sur-le-Main :

« [Ils] passèrent la nuit à retranscrire les comptes rendus. Il en résulte que les “Protocols” ne sont peut-être pas complets, les copistes n’ayant eu que pendant une nuit l’original, qui est en français »68

Voilà qui laisse la porte ouverte à des révélations ultérieures…!

Quoi qu’il en soit, cette association au Sionisme, et non plus au Judaïsme, devient dès lors la version la plus largement soutenue, permettant de lever le voile sur le « vrai » visage du sionisme.

On trouve une intéressante illustration de l’association entre judaïsme, franc-maçonnerie et communisme sur la couverture d’une édition argentine des Protocoles des Sages de Sion datant de 1976 (Annexe I), Les symboles les plus reconnaissables de ces trois mouvements s’allient en effet dans un même mouvement d’assaut contre le lecteur. Il n’est pas inintéressant de noter que cette agression est emmenée par le Juif, personnage placé au centre et en avant et qui brandit l’arme du crime : le poignard qu’on devine ensanglanté. Relevons également l’aveuglante force des symboles placés dans le titre de la revue (aigle, Svastika remaniée, caractère gothique) qui permettent un référencement immédiat de celle-ci dans le champ doctrinaire du national-socialisme.

Les Protocoles sont donc présentés comme le « plan de campagne d’Israël » pour conquérir le monde. La préface de l’édition de Lambelin de 1925/1937 est parfaitement explicite sur ce point :

« En analysant les “Protocols”, abstraction faite des commentaires de leurs éditeurs et de toutes les polémiques provoquées par leur publication, on y discerne trois éléments essentiels souvent enchevêtrés :

1. Une critique philosophique des principes libéraux et une apologie du régime autocratique;

2. L’exposé d’un plan de campagne méthodiquement élaboré pour assurer aux Juifs la domination mondiale;

3. Des vues prophétiques sur la réalisation prochaine des parties essentielles de ce plan »69

Nous voilà donc en présence d’un ouvrage qui, après avoir affirmé une doctrine politique (critique du libéralisme, apologie de l’autoritarisme) présenterait un véritable plan de campagne pour conquérir le pouvoir dans le monde entier et prophétiserait sur ses propres réalisations. Voilà donc un ensemble de textes bien cohérent et bien précis pour relater une complot censé rester absolument secret !

Relevons que, outre qu’elle sert, comme nous l’avons vu plus haut (point 7.1.2.), à accréditer le texte en le comparant a posteriori aux événements, la qualité prophétique attribuée aux Protocoles (et donc à ses auteurs prétendument juifs) permet également de renforcer a priori la thèse d’un complot préparé par des personnes dotés de pouvoirs surnaturels et maléfiques (prophétie portant sur de grands malheurs). Nous y reviendrons ci-dessous (point 8.1.).


7.3. Appeler à la réaction

Dernière fonction essentielle de la préface -et but même de l’ouvrage-, l’appel à la réaction de ceux qui auront compris le « danger » après leur lecture. En positionnant les juifs comme groupe international organisé et structuré par des liens de solidarités dans un dessin maléfique, les propagateurs des Protocoles les positionnent comme des ennemis de l’Humanité entière. Ce faisant, ils justifient une réaction antisémite qui n’est pas une attaque contre les Juifs ou une intolérance à leur égard mais une réaction de défense légitime. Ainsi la préambule de l’édition de l’Office de Propagande Nationale (O.P.N. - France) conclut-elle sa préface sur ces paroles empruntées au Times du 8 mai 1921 :

« Si les Protocols sont réellement l’œuvre des Sages d’Israël, alors tout ce que l’on pourra dire, entreprendre et accomplir contre les Juifs devient légitime, nécessaire, urgent ! »70

L’O.P.N. termine sommairement ce raisonnement : « Or, tout ce qui est écrit dans les PROTOCOLS se réalise : CONCLUEZ ! »71. Il aurait tout aussi bien pu dire « AGISSEZ ! »

D’autre part en insistant sur le caractère disproportionné de l’influence des Juifs dans la société (leur rôle prétendu prédominant dans les finances, la presse, les partis républicains, …), la réaction antisémite n’apparaît que plus justifiée afin, non seulement de se défendre, mais également de rétablir l’équité. En somme, comme le mentionne Taguieff,

« L’explication du mal dans l’histoire est en même temps une légitimation de l’action contre les racines du mal. La démonologie historique se présente ainsi comme une méthode de salut »72

L’édition de l’O.P.N. conclut d’ailleurs le texte des Protocoles par une annonce formulée en ces termes : « Si vous avez compris la gravité du péril Juif venez à nous ! »73

8. Analyses du texte des Protocoles des Sages de Sion

Après avoir analysés les Préambules, entamons l’étude des Protocoles eux-même. Pour organiser cette étude, nous avons choisi de structurer l’essentiel de ce chapitre sur la base de la classification systématique proposée par Sarfati et qui nous semble pertinente74.

La colonne vertébrale de cette classification consiste à relever les principes « philosophiques » qui guident le complot, puis à distinguer les accusation qui relèvent du domaine théologique (ou ésotérique, méconnu) reposant sur le conflit religieux opposant Judaïsme et Christianisme, enfin celles qui relèvent du domaine profane (ou politique, banal) portant sur les domaines dont les Juifs sont prétendus s’être rendus maîtres de certains pans de la société : pouvoir politique, partis républicains, haute finance, banque, journalisme, etc. Nous présenterons enfin quelques autres points caractérisant les Protocoles qui n’entrent pas directement dans ce schéma d’analyse.

Formellement les Protocoles se présentent comme un petit ouvrage d’une centaine de pages. Le livre est divisé, selon les versions, en 22 ou 24 chapitres ou « séances » relatant chacun une nouvelle rencontre des « Sages ». Le livre est relativement désorganisé et les thèmes sont traités sans qu’on puisse dégager une enchaînement logique de la pensée.

On peut dire toutefois qu’il développe trois grands thèmes :

· Une critique du libéralisme

· Un exposé des méthodes à appliquer pour réaliser le complot et prendre le pouvoir et

· Une description de l’Etat juif mondial qui naîtra des révolutions.

Dans les neuf premiers Protocoles, ce sont les deux premiers thèmes qui prédominent, alors que les quinze derniers s’appliquent surtout à décrire le futur Royaume de Sion75.

8.1. La « philosophie » du complot

Dans cette section, nous allons traiter les principaux axes philosophiques qui sous-tendent la logique des « conspirateurs » judéo-maçonniques, les principes qui guident leur action

8.1.1. Aspects moraux

Un des principes de base qui dictent la pensée des auteurs présumés des Protocoles des Sages de Sion repose sur le peu de foi en la bonté de l’individu : l’Homme est mauvais, il convient dès lors de le gouverner avec des méthodes dures (violence et intimidation) et non par la raison :

« Il faut se rappeler que les gens à instincts bas sont plus nombreux que ceux animés de sentiments nobles; en conséquence, les meilleures méthodes de gouvernement sont la violence et l’intimidation, et non les discussions académiques. »76

La force est donc la base de tout, même du droit, car « le droit réside dans la force »77. L’entrée en matière est donc claire, les auteurs présumés des Protocoles s’arrogent le droit d’utiliser les moyens les plus violents pour mener leur politique. Ils prouvent également là leur méchanceté intrinsèque en doutant aussi fondamentalement des qualités de l’Homme.

8.1.2. Aspects politiques

Quant à l’aspect politique il n’est pas moins simpliste : « La liberté politique n’est pas un fait, mais une abstraction »78 simplement destinée à plaire aux foules et à conquérir le pouvoir. Car « le pouvoir des masses est aveugle, impulsif » et « versatile »79. Il faut donc le lui dérober pour le remettre à une élite (juive bien entendu) car :

« comment un esprit sain et logique peut-il espérer guider avec succès les masses par le raisonnement ou des arguments, si la voie est ouverte aux contradictions, même déraisonnables, mais pouvant apparaître plus attrayantes aux foules dont l’esprit est toujours superficiel ? »80

De toute manière les « Sages » n’ont pas à s’occuper de morale car « La politique n’a rien de commun avec la morale » et le souverain qui se préoccupe de morale « n’est pas solide sur son trône ». On peut donc faire appel sans réserve à « la fraude et l’hypocrisie ». « L’honnêteté et la franchise » sont justes bonnes pour les goyim mais « sous aucun prétexte nous ne devons les prendre pour guide ». Il faut donc se préoccuper de ce qui est « nécessaire et utile » plus que de ce qui est « bon et moral »81.

Voilà les auteurs présumés de ces lignes d’emblée moralement discrédités. Quant au lecteur, il est averti de leur perversion eux qui déclarent que « Notre devise est : Puissance et Hypocrisie »82.

8.2. Thèses ésotériques ou théologiques

La domination du monde relève d’un plan « talmudique »83 qui veut ériger tout à la fois un « Super-Gouvernement mondial et une Nouvelle Eglise Universelle »84. Cet aspect permet de diaboliser définitivement le « péril juif » en doublant son aspect politico-financer d’un aspect religieux. Le « Juif international » n’est rien de moins que l’Antéchrist, Satan ou, plus simplement, la Contre-Eglise. Car c’est bien la « ruine totale de [la] civilisation aryenne-chrétienne »85 que craignent les éditeurs des Protocoles des Sages de Sion. Ou encore plus clairement exprimé par les conspirateurs : « nous devons détruire toutes les autres religions »86.

Le christianisme est d’ailleurs le principal ennemi, mais son « effondrement […] n’est plus qu’une question de quelques années […] Quand le moment sera venu d’anéantir le Vatican, les masses conduites par une main invisible monteront à l’assaut de ce palais […] »87

Outre qu’elle radicalise le discours antisémite en faisant vibrer une corde sensible de chaque Chrétien, plus spécifiquement des croyants, cette conception permet, on le comprend bien, tous les délires et tous les reproches. Ce qui relève du fantastique ne peut plus être évalué à l’aune du raisonnement cartésien. Des lors tous les aspects « révélés » du complot, même les plus aberrants ou les plus délirants trouvent une auto-justification en se référant au caractère diabolique, et donc surnaturel, des Juifs. Comme le dit Taguieff :

« Définir Israël ou la judéo-maçonnerie comme la “Contre-Eglise”, c’est l’identifier à Satan, ou à l’Antéchrist; c’est du même mouvement placer l’antisémitisme dans le seul élément du fantastique, où tout ce qui est terrible et redoutable devient possible, le situer sur la dimension du démonologico-politique. Où tous les énoncés antijuifs, fussent-ils délirants, sont vérifiés par définition, et irréfutables par principe » 88.

Voilà qui nous ramène à l’exclamation de stupeur de Nilus89 devant celui qui osait contester la véracité des Protocoles : « Vous êtes vraiment sous l’influence du Diable » !

8.2.1. Omnipotence diabolique

L’image donnée par les Protocoles des Sages de Sion pour illustrer le pouvoir croissant des Juifs sur le monde, la réussite progressive du complot est très forte. On compare l’emprise juive sur le monde à un « serpent symbolique »90 qui, lentement, résolument, étend son pouvoir sur les peuples d’Europe afin d’étouffer le Continent. Le lien entre le serpent et le Diable s’effectue bien sûr immédiatement dans la tête du lecteur Chrétien puisque cette image remonte aux temps les plus reculés de la Genèse. Cette image (qu’on retrouve dans une illustration des Protocoles qui figure en Annexe II) retransmet à la fois l’idée de diablerie et celle de toute puissance : comment l’Europe, affaiblie, pourrait-elle se débarrasser de ce puissant reptile qui l’encercle ?

8.2.2. La Synagogue : officine du Diable (essence maléfique du judaïsme)

L’accusation de « Synagogue, officine du Diable »91 est ancienne. Elle remonte aux débuts de l’Eglise alors que celle-ci était en concurrence avec sa religion-mère. L’image d’un peuple juif comploteur et déicide a traversé les siècles et trouve un de ses fruits empoisonnés dans les Protocoles. Une des missions que se sont attribués les Juifs est donc de discréditer l’Eglise et ses serviteurs :

« Nous avons déjà pris soin de discréditer la classe des prêtres chrétiens et de désorganiser par là leur mission, qui pourrait actuellement nous gêner beaucoup. Son influence sur les peuples tombe chaque jour. »92

8.2.3. Le peuple « élu »

Pervertissant le thème du « peuple élu », les auteurs des Protocoles en font une « élection-pour-la-domination »93 en attribuant à Israël une volonté de dominer le monde qui lui aurait été attribuée par Dieu : « Per me roges regnant. “Par moi les rois règnent”. Les prophètes nous ont dit que nous étions choisis par Dieu lui-même pour régner sur le monde. Dieu nous a doués de génie pour résoudre ce problème »94. En mettant l’accusation sur ce terrain, les auteurs des Protocoles positionnent indiscutablement le combat sur un terrain religieux autant que politique, accréditant du même coup les Juifs de pouvoir surhumains. L’ennemi puissant n’en est que plus dangereux !

8.2.4. Le Roi de Sion

Si le sionisme n’est pas un vrai nationalisme, mais un plan de conquête politique du monde, il est aussi plus que cela, un plan de conquête religieux. Ainsi Mgr Jouin note dans son édition des Protocoles des Sages de Sion que : « Le Roi d’Israël deviendra le vrai Pape de l’Univers, le Patriarche de l’Eglise internationale »95. Aux yeux des Sages cela ne change d’ailleurs rien pour les goyim : « Après tout, n’est-ce pas la même chose pour le monde, d’être dominé par le chef du catholicisme ou par notre despote de sang sioniste ? »96

Quoi de mieux de toute manière, car « Seul l’homme préparé dès l’enfance à l’autocratie, peut comprendre les secrets de la politique »97. Voilà qui nous met sur la piste monarchique et nous éloigne de la démocratie de façade (voir plus bas). Ce pouvoir sera autocratique, car « seul un autocrate peut concevoir des plans simples et clairs pouvant coordonner dans toutes ses parties le mécanisme gouvernemental »98. C’est bien l’avènement d’un « souverain despote de sang sioniste »99 que les Sages préparent. Cette question fait d’ailleurs l’objet de plusieurs « séances » des Sages.

Le futur Super-gouvernement que présentent en détails les Protocoles frappe par son caractère totalitaire : politique réservée aux seules élites, contrôle absolu de la presse, de l’éducation, des réunions, de l’économie et des finances, répression sanglante, mesures destinées à éviter la sédition, la critique, la corruption, régime policier, justice extrêmement répressive, suppression de la plupart des libertés,… Bref l’éventail est large des mesure qui caractérisent les régimes totalitaires ! D’ailleurs le langage est clair :

« En la personne de notre souverain, notre gouvernement apparaîtra comme une tutelle patriarcale et paternelle. […] Ainsi le peuple s’imprégnera de l’idée qu’il lui est impossible de rien faire sans ce gardien et ce guide […] »100

8.3. Thèses profanes, banales ou politiques

Plus tardives que les accusations d’ordre religieux, les accusations profanes portent avant tout sur trois aspects : le Juif usurier tenant en main tout le pouvoir financier (c’est l’aspect financier), le Juif fourbe et comploteur (aspect politique)101 et, enfin, le Juif destructeur des valeurs sociales et morales traditionnelles (aspect social).

8.3.1. Action politique

8.3.1.1. La démocratie, une façade de la conspiration

La démocratie n’est bien sûr pas une des fins du gouvernement de Sion qui tend, comme nous l’avons vu à imposer un souverain autocrate. Mais elle était un étape indispensable pour s’assurer le pouvoir à travers le chaos : « Le fait que les représentants de la nation peuvent être révoqués les livre à notre pouvoir et, en pratique, nous donne le privilège de leur désignation »102. Ce gouvernants ne sont que « des pions dans notre jeu »103. Actuellement, les Juifs s’ingénient à fausser les équilibres de la « balance constitutionnelle » et s’amusent de voir le « pouvoir clairvoyant de la royauté » et celui « aveugle des masses, séparés par nous » perdre chacun leur influence104.

8.3.1.2. Le libéralisme : instrument au service des Juifs

Le libéralisme est un pur moyen, « une abstraction » dont il faut savoir tirer profit afin de saisir les « rênes abandonnées du pouvoir ». Alors « le nouveau pouvoir remplace simplement l’ancien, affaibli par le libéralisme ». Le libéralisme est donc un moyen de trouver un soutien populaire (« attacher les forces populaires à son parti ») et d’instaurer le chaos afin de prendre le pouvoir105. Il est rien de moins qu’un « poison » que les Juifs ont « injecté […] dans l’organisme de l’Etat » et provoquant une « maladie mortelle ». Ils n’ont dès lors plus qu’à « attendre la fin de [l’] agonie » des Etats touchés !106 Dès l’avènement du Super-gouvernement, son sort sera réglé : « Nous éliminerons le libéralisme de toutes les positions stratégiques importantes […] »107.

8.3.1.3. Le secret

Le secret est essentiel au complot. Il assurera son efficience et la sécurité de ses auteurs : « notre puissance sera moins exposée qu’aucune autre, parce qu’elle restera invisible jusqu’à ce qu’elle soit bien enracinée »108. Cette garantie semble évidente aux yeux des « Sages » : « Par qui et par quoi peut être renversé un pouvoir occulte ? Car tel est le caractère de notre pouvoir. »109

8.3.1.4. La franc-maçonnerie au service des Juifs

La franc-maçonnerie n’est qu’un organe au service des Juifs. Et encore est-elle doublée d’organismes de contrôle secrets dont même les Francs-Maçons ne soupçonnent pas l’existence :

« […] nous avons créé notre maçonnerie secrète que ces bestiaux, les goyim, ne connaissent pas dont ils ne soupçonnent même pas le but. Ils ont été attirés par nous dans nos nombreuses organisations visibles, qui sont les loges maçonniques, afin de détourner l’attention de leurs coreligionnaires. »110

Nous voici donc en présence d’une nouvelles façade couvrant les activités secrètes et terribles des Sages de Sion ! Mais ces aides, si précieux qu’ils soient n’ont pas de valeur aux yeux des Juifs. Un fois le gouvernement juif installé, « les francs-maçons goyim qui en sauront trop long » seront exilés dans des contrées lointaines. Mais en attendant « nous créerons au contraire et multiplierons les loges maçonniques […] parce que ces loges seront nos principales sources de renseignements et que d’elles émanera notre influence »111.

Car si on parle des Francs-maçons en « frères », on veille à ce qu’ils n’osent protester : « Nous tuons les francs-maçons de telle manière que nul ne nous soupçonne, pas même les victimes; ils meurent tous quand cela est nécessaire et en apparence de mort naturelle »112.

8.3.1.5. Le cosmopolitisme

Etant partout, les Juifs sont intervenus auprès de tous les Etats pour assurer leur domination. Leur principale force est d’entretenir la division des Goyim :

 « Une coalition mondiale des goyim pourrait temporairement nous tenir en échec, mais nous nous sommes garantis contre elle par des dissensions si profondément enracinées chez eux qu’elles ne peuvent être arrachées »113.

La diffusion « sans dommage » des Juifs sur la surface du globe est un autre mystère dont les Sages révèlent le secret :

« A nous, son peuple choisi, Dieu a donné le pouvoir de nous éparpiller sans dommages pour nous; ce qui, pour les autres, semble faire notre faiblesse, fait au contraire notre force et nous touchons à la domination universelle : il ne reste plus que peu à construire sur ces fondations. »114

8.3.1.6. Diviser pour régner

Afin d’assurer son hégémonie le peuple juif doit jouer habilement d’alliance entre les Nations. Pour ce faire il faut être présent « détruire toute opposition en faisant déclarer par ses voisins la guerre au pays qui ose se dresser contre nous. Si cependant ces voisins à leur tour s’allient contre nous, nous devons répondre par une guerre universelle ». Il faut parvenir à « détruire toute opposition en faisant déclarer par ses voisins la guerre au pays qui ose se dresser contre nous. Si cependant ces voisins à leur tour s’allient contre nous, nous devons répondre par une guerre universelle »115.

8.3.1.7. Tous les moyens sont bons

Pour prendre le pouvoir, tous les moyens sont bons. Pour légitimer cette affirmation, les comploteurs arguent que lors d’une guerre « il est licite et non considéré comme immoral d’employer toutes les méthodes de guerre » comme la surprise ou l’attaque en force supérieure, dès lors « pourquoi les mêmes méthodes seraient-elles considérées comme immorales quand elles s’appliquent à un pire ennemi, le violateur de l’ordre et de la prospérité sociale ? ». Voilà qui démontre que tous les moyens sont bons aux yeux des juifs à l’esprit fourbe : « la fin justifie les moyens »116.

« La violence doit être le principe, l’hypocrisie et l’artifice la règle […] Le mal est le seul moyen d’atteindre au bien »117. Voilà qui légitime aussi tous les moyens pour une riposte !

La violence ne fait donc pas sourciller les « Sages » : « La mort est la fin inévitable de tous; il vaudrait donc mieux accélérer la fin de ceux qui se mêlent de nos affaires que de voir mourir notre peuple ou nous-même […] »118

Tous les moyens sont bons… y compris « l’antisémitisme [qui] est nécessaire pour nous permettre de surveiller nos frères plus modestes » ! Pour les fabricants des Protocoles, les Juifs contrôlent donc tout, y compris leurs propres malheurs !

8.3.2. Action financière et économique

Au delà du contrôle politique, la maîtrise du pouvoir financier est essentielle aux Juifs, car un Etat financièrement affaibli « est en notre pouvoir. Le despotisme du capital, qui est entièrement entre nos mains, lui apparaît alors comme une planche de salut »119. En outre, les gouvernements sont tous mus par un seul moteur « que nous seuls possédons, et ce moteur, c’est l’or »120. Il s’agit pour les Juifs de contrôler, outre les finances, « l’économie et le commerce; cela se fait déjà par une main invisible dans toutes les parties du monde »121

8.3.2.1. L’usure moderne

Les Juifs ont remplacé les anciens privilèges dynastiques par ceux de l’argent, ils forment donc « l’aristocratie de l’argent »122. Ils contrôlent le flux financier en faisant reposer l’industrie sur la spéculation. Ainsi « toutes les énergies étant distraites du sol par l’industrie, il ne restera rien aux mains des goyim, et la spéculation fera tomber les richesses dans nos coffres-forts »123. Leur pouvoir financier est un moyen de contrôler les goyim et leurs gouvernements : « [Les] nations […] ont dû s’adresser à nous pour obtenir des emprunts; le paiement des intérêts de ces emprunts a obéré les finances publiques, asservissant les Etats au capital […] »124 L’emprunt , cette « sangsue » qui mine les Etats goyim qui se « sont endettés envers nos banques à tel point qu’ils ne pourront jamais se libérer envers nous »125

8.3.2.2. La crise économique au service des Juifs

Ayant amassé d’immenses richesses, les comploteurs se disent en mesure de provoquer de graves crises économiques, de manière à déstabiliser les régimes et à prendre le pouvoir : « Ayant organisé une crise économique générale par toutes sortes de moyens occultes et grâce à l’or qui est entièrement dans nos mains, nous jetterons d’immenses foules de travailleurs dans la rue, simultanément dans tous les pays d’Europe »126. Car pour les Juifs organiser une crise économique est bien simple : « Il nous suffit de retirer l’argent de la circulation pour provoquer des crises économiques […] »127

8.3.3. Action sociale

Troisième champ d’action afin de préparer la révolution mondiale, les Juifs s’ingénient à saper l’ordre social et les valeurs morales traditionnelles afin de déstabiliser les sociétés chrétiennes.

8.3.3.1. Décomposition de l’ordre social

L’ordre social devait être bouleversé pour que le complot puisse s’imposer. C’est largement chose faite car les Sages ont su provoquer « l’abolition des privilèges, en d’autres termes, l’essence même de l’aristocratie des goyim qui était la seule protection des peuples et des patries contre nous »128

Après avoir détruit cet ordre, les Juifs se réjouissent des malheurs du petit peuple qui est « enchaîné, par la misère, aux durs travaux plus sûrement qu’il ne l’était par l’esclavage et le servage ». Ainsi, un jour, ils pourront se présenter à lui en « sauveurs des travailleurs […] quand nous leur offrirons d’entrer dans notre armée de socialistes, de communistes […] »129

8.3.3.2. Ruine des valeurs morales

Les conspirateurs agissent aussi pour disloquer les valeurs morales existantes : « Les goyim son abrutis par les spiritueux; leur jeunesse glisse dans l’aliénation mentale par l’excès de l’étude des classiques et par le vice dans lequel ils ont été entraînés par nos agents »130 Ou encore : « Dans les pays dits avancés, nous avons créé une littérature folle, malpropre et dégoûtante. »131

8.3.3.3. Ruine de la culture

Il est important d’empêcher le développement de la culture afin de s’assurer un contrôle sans partage : « Afin que les goyim n’aient pas le temps de penser et d’observer, il est nécessaire de les distraire en les orientant vers les industries et le commerce »132.

8.3.3.4. Domination des esprits

Les Juifs, conscients du rôle essentiel de la Presse dans les Etats modernes en ont pris le contrôle (« elle est tombée entre nos mains »133) afin de « dominer l’opinion publique ». Pour ce faire, il faut notamment la « jeter dans la perplexité en agitant de nombreuses opinions contradictoires, jusqu’à ce que les goyim se perdent dans ce labyrinthe [..] ». Il faut aussi « diriger l’éducation des sociétés goyim » afin de brimer d’emblée tout dangereuse velléité d’ « initiative individuelle »134.

8.4. Autres aspects

Nous mentionnerons encore ici quelques aspects du complot qui n’’entrent pas directement dans le cadre d’analyse que nous avons utilisé plus haut.

8.4.1. Un complot intemporel et omniprésent

Le complot Juif est partout et il date de l’aube de l’Humanité (ou en tout cas de la Chrétienté) : « nous avons provoqué les haines de religions et de races, entretenues par nous chez eux [NdR : les goyim] depuis vingt siècles »135. Voilà une affirmation qui renforce l’effroi du lecteur crédule et sa haine contre un peuple fauteur de troubles depuis si longtemps !

8.4.2. L’effectivité du complot

Si la réalité du complot était encore insuffisament établie par les préambules, on voit les prétendus comploteurs voler au secours de leurs détracteurs en s’attachant à démontrer bien clairement l’existence de celui-ci. C’est à nouveau en le confrontant aux événements passés que le complot est « avéré ». Par exemple : « Même dans les temps anciens, nous clamions parmi les foules les mots liberté, égalité, fraternité […] [Ces mots] ont entraîné des foules énormes dans nos rangs, grâce à nos agents aveugles qui portaient notre drapeau avec enthousiasme »136. Car la Révolution française, les Juifs la connaissent bien, selon les Protocoles des Sages de Sion, « elle fut notre oeuvre »137

Voilà une habile manière d’accréditer le texte : laisser le soin à ses auteurs prétendus d’y procéder eux-mêmes !

8.4.3. Juifs et « Goyim »

Si les Juifs disposent de « spécialistes entraînés dès leur plus jeune âge au gouvernement du monde […] [et] imprégnés de la science nécessaire pour gouverner d’après nos plans politiques » les non-juifs, les goïm (ou goyim), eux n’ont aucune de ces compétences, ils se contentent d’appliquer une « routine théorique ». Il suffit donc de les laisser « s’amuser » dans leur apparence de pouvoir démocratique en attendant « l’heure propice ».

Les Juifs sont la race supérieure et ils sont profondément différents de la race des non-Juifs, race considérée comme inférieure et souvent comparée à des animaux : « Les goyim sont un troupeau de moutons; - Nous sommes les loups ! »138

8.5. Des reproches contradictoires ?

Notons que les reproches adressés aux Juifs sont très largement de nature contradictoire.

« On les stigmatise d’être mus par un inexorable universalisme qui les disperse en toutes les nations, en même temps qu’on se scandalise de leur solidarité communautaire exprimée par le mouvement sioniste. »139

En réalité ces deux tendances expriment, aux yeux des partisans de la thèse conspirationniste, d’une manière complémentaire leur volonté de diriger le monde. La solidarité sioniste permet d’organiser le complot et la diffusion de par le monde permet de s’assurer le contrôle de toutes les nations. La thèse du complot sioniste parvient donc à intégrer ces deux reproches contradictoires dans une même explication cohérente et unique.

8.6. La logique ultime

La logique ultime du raisonnement des diffuseurs des Protocoles débouche sur le négationnisme ou le révisionnisme actuel. Si les Juifs sont, par nature de diaboliques menteurs, comment ne pas penser à leur attribuer le « plus terrible mensonge »140, celui de la mémoire de la Shoah ! Vu comme un monument de propagande, elle peut dès lors être non seulement niée mais reprochée aux juifs comme inventeurs du « grand bobard du XXe siècle »141. Un « bobard » dont le but serait au moins double : légitimer la création de l’Etat d’Israël et repousser toute critique à l’égard du peuple juif en jetant un voile de mauvaise conscience sur l’opinion publique mondiale. Mais nous entrons là dans un autre débat.

9. Conclusion : une farce sanglante

Les Protocoles des Sages de Sion constituent donc un florilège des préjugés antisémites les plus répandus, préjugés qui s’emboîtent dans un système d’analyse du comportement des Juifs qui revendique un caractère objectif et cohérent. La force des Protocoles est de décliner cette suite d’accusations sur le mode de l’adhésion, en mettant en scène leur révélation par les supposés plus hauts responsables du Judaïsme eux-même142 !

Ces responsables sont d’ailleurs anonymes et atemporels143 : qui sont-ils, devant qui parlent-ils, quand, où ? Le lecteur n’en sait rien. Et pourtant tout le discours est direct (je, nous, vous, …). Cet aspect formel donne à la fois une plus grande crédibilité au texte et augmente certainement l’effet qu’il peut avoir sur le lecteur crédule. En outre, il augmente encore le poids du mystère entourant les « Protocols »

L’efficacité de ce faux célèbre repose donc d’abord sur le simple fait que les accusations qu’il véhicule sont déjà largement répandues dans la Chrétienté. Les Protocoles se contentent de les organiser en un tout plus ou moins bien structuré et plus ou moins cohérent. Ils échappent ainsi partiellement au besoin de justifier leurs sources puisque leur fondements sont très largement admis par de larges couches de la population, sans que celles-ci ne connaissent la provenance desdites accusations144.

Comme le relève Saül Friedländer145, le seul grief que le texte ne véhicule en général pas, pourtant, est celui qui s’est avéré être l’un des plus dangereux. Les « Protocols » ne font aucunement référence à la « pollution », la « maladie » ou la « souillure » que les Juifs peuvent apporter. Pas de trace d’accusations liées aux bacilles, microbes, perversions sexuelles ou souillure du sang. Il semble bien, toujours selon Friedländer, que « certaines versions » y fassent « indirectement allusion », mais cette thématique reste toutefois parfaitement secondaire dans le document.

L’importance de l’impact de ce texte est certainement avant tout dû à deux autres facteurs que nous avons déjà évoqués.

Tout d’abord, les Protocoles parviennent à synthétiser habilement les reproches « profanes » et les reproches « théologiques » émis à l’encontre des Juifs. En mêlant ainsi le divin (ou le diabolique) au séculaire, ils parvient à faire vibrer différentes cordes sensibles des lecteurs, tout en trouvant un habile moyen d’expliquer tous les aspects d’un complot effroyablement complexe, en privilégiant tantôt l’un ou l’autre de ces deux aspects complémentaires.

L’autre facteur, certainement le plus important, est qu’une partie des « révélations » fournies par le texte ont pu être présentées comme prophétiques avec un assez grand degré de vraisemblance à l’issue du premier conflit mondial. Déboussolés et hagards, de nombreux européens cherchaient à expliquer les malheurs qui leur étaient arrivés. Or un certain nombre d’évènements récents permettaient, sans trop forcer, d’accréditer les thèses des Protocoles. On peut notamment arguer que, pour qui voulait bien l’entendre, les Protocoles permettaient d’expliquer sans trop de difficulté les raisons de la révolution bolchevique, les fondements de la grande crise économique ou encore les causes du conflit planétaire. Ce n’est certainement pas un hasard si ce n’est qu’après la première guerre mondiale que les Protocoles ont connu le succès que l’on sait !

Cette « adéquation » avec les événements peut s’expliquer au moins de trois manières. D’abord il y a certainement un part de hasard dans tout cela. Deuxièmement le fait que les accusations des Protocoles soient suffisamment larges, souples et multiformes ont permis de les adapter aisément à ces événements. Enfin, les malheurs décrits par les Protocoles étaient bien évidemment dans « l’air du temps » au moment de leur rédaction au début du XXe siècle. Pour accuser les Juifs, les auteurs des Protocoles ont choisi des griefs dont on pouvait raisonnablement imaginer qu’ils secoueraient le monde à cette époque. Il n’y a donc pas trop lieu de s’étonner que cette « adéquation » avec la réalité ait pu se réaliser. Mais le procédé était judicieux car les Protocoles ont beaucoup gagné en crédibilité en s’appuyant dès lors sur leur propre caractère « prophétique » pour clamer leur véracité.

L’histoire des Protocoles des Sages de Sion est donc celle d’une « farce » grossière, amalgames de préjugés anciens et somme toute banals, dont la trame était cousue de fil blanc mais qui a pu, pour les raisons que nous venons d’évoquer devenir un des textes les plus dangereux de l’histoire de l’Humanité.


 

10. Bibliographie

Sources

Office de Propagande Nationale, Le Péril Juif : texte intégral des Protocoles des Sages d’Israël, Paris, OPN, s.d. (Selon Taguieff, op. cit. I, p. 371, cette édition date probablement de 1938. Traduction française de la version de Nilus. Préface probablement due à Henry Coston, directeur de l’OPN)

Ouvrages

Arendt Hannah, Les origines du totalitarisme, tome I : Sur l’antisémitisme, Paris, Calmann-Lévy, 1973.

Ben-Itto Hadassa, Die Protokolle der Weisen von Zion - Anatomie einer Fälschung, Berlin, Aufbau Vlg, 1998.

Cohn Norman, Histoire d’un Mythe : la conspiration juive mondiale et les Protocoles des sages de Sion, Paris, Paris, Gallimard, 1997 [Trad. de l’anglais]

Friedländer Saul, L’antisémitisme nazi : histoire d’une psychose collective, Paris, Seuil, 1971

Rollin Henri, L’Apocalypse de notre temps : les dessous de la propagande allemande d’après des documents inédits, Paris, Gallimard (Nrf), 1939.

Taguieff Pierre-André, Les Protocoles des Sages de Sion : faux et usages d’un faux, Paris, Berg International, 1992, [2 Tomes].

Poliakov Léon, Histoire de l’antisémitisme, tome III : De Voltaire à Wagner, Paris, Calmann-Lévy, 1968.

Articles

De Michelis Cesare G., « Les Protocoles des Sages de Sion : philologie et histoire », in Cahiers du Monde Russe, Vol. 38 (3), juillet-septembre 1997, pp. 263-305.

Nicault Catherine, « Le procès des Protocoles des Sages de Sion : une tentative de riposte juive à l’antisémitisme dans les années 1930 », in Vingtième siècle, n° 53, 1997, pp. 68-84.

Sarfati Georges Elia, « La parole empoisonnée : les Protocoles des Sages de Sion et la Vision policière de l’Histoire », in Les Protocoles des Sages de Sion : faux et usages d’un faux, Tome II études et documents, Taguieff Pierre-André (éd.), Paris, Berg International, 1992, pp. 39-162.



Notes.

1. Il faut bien sûr entendre : quelle image veulent donner des Juifs les auteurs de ce texte.

2. Norman Cohn, Histoire d’un mythe : la conspiration juive mondiale et les Protocoles des Sages de Sion, Paris, Gallimard, 1997 [Trad. de l’anglais]

3. Cohn, Histoire d’un mythe, op. cit., p. 29 ss.

4. Ibid., p. 31.

5. Ibid., p. 36.

6. Ibid., p. 37.

7. Ibid., p. 38.

8. Ibid.

9. Ibid., p. 41.

10. Cité par Ibid., p. 45.

11. Ibid., p. 50 ss.

12. Ibid., p. 55.

13. Ibid., p. 58.

14. Ibid., p. 61.

15. Ibid., p. 70-71.

16. De Michelis Cesare G., « Les Protocoles des Sages de Sion : philologie et histoire », in Cahiers du Monde Russe, Vol. 38 (3), juillet-septembre 1997, p. 286.

17. Pour tout ce chapitre, nous nous basons sur Cohn, Histoire d’un mythe, op. cit., p. 114 ss.

18. Pierre-André Taguieff, Les Protocoles des Sages de Sion : faux et usages d’un faux, Paris, Berg International, 1992, Tome I, p. 68.

19. Rollin Henri, L’Apocalypse de notre temps : les dessous de la propagande allemande d’après des documents inédits, Paris, Gallimard (Nrf), 1939.

20. Cité par Nicault Catherine, « Le procès des Protocoles des Sages de Sion : une tentative de riposte juive à l’antisémitisme dans les années 1930 », in Vingtième siècle, n° 53, 1997, pp. 68-84, p. 81.

21. Sur toutes ces questions, voir Nicault Catherine, « Le procès des Protocoles des Sages de Sion », op. cit.

22. Taguieff, Les Protocoles des Sages de Sion, op. cit. I, p. 17

23. Georges Elia Sarfati, La parole empoisonnée : les Protocoles des Sages de Sion et la vision policière de l’Histoire, in Taguieff, Les Protocoles des Sages de Sion, op. cit., Tome II, p. 71.

24. Taguieff, Les Protocoles des Sages de Sion, op. cit., p. 24.

25. Ibid.

26. Ibid., p. 25.

27. Ibid., p. 27.

28. Ibid.

29. Ibid. p. 32.

30. Ibid. p. 32.

31. Ibid., p. 133.

32. Ibid., pp. 17-18.

33. Sarfati, La parole empoisonnée, op. cit., pp. 43-44

34. Ibid.., p. 71.

35. Cohn, Histoire d’un mythe, op. cit. pp. 179-180. Cohn cite Adolphe Hitler, Mein Kampf, 11e édition, Munich, 1942, p. 337.

36. Mgr Jouin, Le Péril judéo-maçonnique, vol. 1, Les « Protocols » des Sages de Sion, Paris, 1920, p. 6., cité par Sarfati, La parole empoisonnée, op. cit., p. 60.

37. Roger Lambelin, « Protocols » des Sages d’Israël, Paris, Bernard Grasset, 2e éd. 1925, réimpr. 1937, p. 15, cité par Sarfati, La parole empoisonnée, op. cit., p. 61

38. Ibid. p. 35, cité par Sarfati, La parole empoisonnée, op. cit., p. 61

39. Office de Propagande Nationale, Le Péril Juif : texte intégral des Protocoles des Sages d’Israël, Paris, OPN, s.d., pp. 3-4. (Selon Taguieff, 1938. Version de Nilus. Préface probablement due à Henry Coston, directeur de l’OPN)

40. Taguieff, Les Protocoles des Sages de Sion, op. cit., I, pp. 29-30.

41. Idem, p. 30. Taguieff citant Alexandre du Chayla, « Serge Alexandrovitch Nilus et les Protocoles des Sages de Sion (1909-1920) », La Tribune Juive, II, n° 72, 14 mai 1921, p.3.

42. Cohn, Histoire d’un mythe, op. cit., pp. 179-180, citant Adolphe Hitler, Mein Kampf, 11e édition, Munich, 1942, p. 337.

43. Taguieff, Les Protocoles des Sages de Sion, op. cit. I, p. 31.

44. Conspiracy theory of ignorance. Taguieff, Les Protocoles des Sages de Sion , op. cit. I, p. 30 citant Karl R. Popper, Conjectures et réfutations. La croissance du savoir scientifique, (4e éd. revue, 1972) trad. fr. M.-I. et M.B. de Launay, Paris, Payot, 1985, p. 18.

45. Sarfati, La parole empoisonnée, op. cit., p. 61 ss.

46. Jouin, op. cit., p. 13, cité par Sarfati, La parole empoisonnée, op. cit.,. p. 62. 

47. A ce propos, voir notamment Sarfati, La parole empoisonnée, op. cit., pp. 44 et 48 ss.

48. Sarfati, La parole empoisonnée, op. cit., p. 58.

49. Ibid., p. 63.

50. Jouin, Le Péril judéo-maçonnique, op. cit., p. 7., cité par Sarfati, La parole empoisonnée, op. cit., pp. 48-49 et 58.

51. Sarfati, La parole empoisonnée, op. cit., p. 59.

52. Ibid., p. 67

53. Jouin, Le Péril judéo-maçonnique, op. cit., p. 28, cité par Sarfati, La parole empoisonnée, op. cit., p. 67.

54. Taguieff, Les Protocoles des Sages de Sion, op. cit. I, p. 117.

55. Lambelin, « Protocols » des Sages d’Israël, op. cit., cité par Sarfati, La parole empoisonnée, op. cit., p. 95. 

56. Ceux qu’elle appelle « la populace »

57. Hannah Arendt, Sur l’antisémitisme, Paris, Calmann-Lévy, 1973, p. 235.

58. Sarfati, La parole empoisonnée, op. cit., p. 45, ss.

59. Serge Nilus, Velikoïe v Malom i Antikrist…, Tsarskoïe Selo, 1905, reprise par L. Fry, Le Juif notre maître, Paris, R.I.S.S., 1931, retranscrite dans Taguieff, Les Protocoles des Sages de Sion, op. cit. II, pp. 539-540.

60. Gottfried zur Beck, Die Geheimnisse der Weisen von Zion, Charlottenburg, Auf Vorposten Vlg, 1919, retranscrite dans Taguieff, Les Protocoles des Sages de Sion, op. cit. II, p. 541.

61. Anonyme, En garde ! Lis et fais circuler, années 1897-1920, Varsovie, 1919, retranscrite dans Taguieff, Les Protocoles des Sages de Sion, op. cit. II, p. 542, ss.

62. George Shanks, The Jewish Peril, Protocols of the Learned Elders of Zion, 4e éd., Londres, V. Marsden, « The Britons », 1921, retranscrite dans Taguieff, Les Protocoles des Sages de Sion, op. cit. II, pp. 594-595.

63. Lambelin, « Protocols » des Sages d’Israël, op. cit., retranscrit dans Taguieff, Les Protocoles des Sages de Sion, op. cit. II, p. 578 ss.

64. Taguieff, Les Protocoles des Sages de Sion, op. cit. I, p. 171.

65. Ibid.

66. Ibid., pp. 171-172.

67. Taguieff, Les Protocoles des Sages de Sion, op. cit. I, p. 172.

68. Préface de l’édition française de Roger Lambelin, « Protocols » des Sages d’Israël, op. cit., citée par Sarfati, La parole empoisonnée, op. cit., p. 51.

69. Lambelin, Les « Protocols » des Sages d’Israël, op. cit., p. 35, cité par Sarfati, La parole empoisonnée, op. cit., p. 51.

70. Office de Propagande Nationale, Le Péril juif, op. cit., p. 4

71. Ibid.

72. Taguieff, Les Protocoles des Sages de Sion, op. cit. I, p. 171.

73. Office de Propagande Nationale, Le Péril juif, op. cit., p. 94

74. Sarfati, La parole empoisonnée, op. cit., p. 71

75. Sur cette organisation du texte, voir Cohn, Histoire d’un mythe, op. cit., p. 65.

76. Office de Propagande Nationale, Le Péril juif, op. cit., p. 5. 

77. Ibid., p. 6.

78. Ibid.

79. Citations extraites de Ibid., p. 9.

80. Ibid., p. 7.

81. Citations extraites de Ibid., pp. 7-9.

82. Ibid., p. 10.

83. Taguieff, Les Protocoles des Sages de Sion, op. cit. I, p. 212.

84. Ibid., p. 213.

85. Office de Propagande nationale, Le Péril juif, op. cit., p. 3.

86. Ibid., p. 55.

87. Ibid., p. 71

88. Taguieff, Les Protocoles des Sages de Sion, op. cit. I, p. 214

89. Voir supra.

90. Office de Propagande Nationale, Le Péril juif, op. cit., p. 15.

91. Sarfati, La parole empoisonnée, op. cit., p. 71.

92. Lambelin, Les « Protocols » des Sages d’Israël, op. cit., p. 113, cité par Sarfati, La parole empoisonnée, op. cit., p. 151. 

93. Ibid., p. 148.

94. Office de Propagande Nationale, Le Péril juif, op. cit., p. 25.

95. Jouin, Le Péril judéo-maçonnique, op. cit., p. 115, cité par Taguieff, Les Protocoles des Sages de Sion, op. cit. I, p. 212.

96. Office de Propagande Nationale, Le Péril juif, op. cit., p. 25.

97. Ibid., p. 9.

98. Ibid.

99. Ibid., p. 20.

100. Ibid., p. 65.

101. Sarfati, La parole empoisonnée, op. cit., pp. 71-72.

102. Office de Propagande Nationale, Le Péril juif, op. cit., p. 13.

103. Ibid., p. 14.

104. Ibid., p. 16.

105. Citations extraites de Ibid., p. 6.

106. Citations extraites de Ibid., p. 40.

107. Ibid., p. 64.

108. Citations extraites de Ibid., op. cit., p. 8.

109. Ibid., p. 22.

110. Ibid., p. 46.

111. Citations extraites de Ibid., pp. 58-59

112. Ibid., p. 61

113. Ibid., p. 25.

114. Ibid.., p. 46.

115. Ibid.., p. 31.

116. Citations extraites de Ibid., pp. 7-8.

117. Ibid., p. 10.

118. Ibid., p. 61.

119. Citations extraites de Ibid., p. 6.

120. Ibid., p. 26.

121. Ibid.

122. Ibid., p. 12.

123. Ibid., p. 23.

124. Ibid., p. 81.

125. Ibid.

126. Ibid., p. 19.

127. Ibid., p. 80.

128. Ibid., p. 12.

129. Citations extraites de Ibid., pp. 17-18. 

130. Ibid., p. 10.

131. Ibid., p. 57.

132. Ibid., p. 22.

133. Ibid., p. 15.

134. Ibid., p. 26.

135. Ibid., p. 25.

136. Ibid., pp. 11-12.

137. Ibid., p. 20.

138. Ibid., p. 45.

139. Taguieff, Les Protocoles des Sages de Sion, op. cit. I, p. 212.

140. Ibid., p. 315.

141. Ibid., p. 317, citant Arthur R. Butz, The Hoax of the Twentieth Century, 2e éd., Brighton, Sussex, Historical Review Press, 1977.

142. Sarfati, La parole empoisonnée, op. cit., p. 70, ss.

143. Ibid., p. 42.

144. Ibid., p. 41.

145. Friedländer Saul, L’antisémitisme nazi : histoire d’une psychose collective, Paris, Seuil, 1971, pp. 106-107.

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