La chambre à gaz du crématoire d’Auschwitz I

Le Krema I et ses transformations


Le complexe concentrationnaire d’Auschwitz-Birkenau compta trois camps, Auschwitz I, appelé aussi «camp principal» ou «petit camp», Auschwitz II, Birkenau, appelé aussi «grand camp», à 2,5 km de Auschwitz I, et Auschwitz III, Buna-Monowitz. Le complexe concentrationnaire d’Auschwitz fut à la fois un camp de concentration, et un centre de mise à mort (principalement Birkenau) où les Juifs de l’Europe entière arrivaient pour être, dans leur écrasante majorité, directement assassinés dans les chambres à gaz, sans entrer dans le camp, sans y être enregistrés: ils n’échappaient à l’esclavage concentrationnaire que parce qu’ils étaient immédiatement mis à mort.

La majorité des assassinats par gazages eut lieu à Birkenau, d’abord dans des bâtiments aménagés en bordure du camp, puis dans les chambres à gaz aménagées dans les gigantesques crématoires de Birkenau. Ces complexes crématoires-chambres à gaz furent dynamités par les SS fuyant Auschwitz.

Mais Auschwitz I fut le premier lieu des gazages. A l’automne 1941, après quelques essais dans les sous-sols du bloc 11, la morgue du Krema I (le crématoire de Auschwitz I), qui servait déjà de lieu d’assassinats par balles, fut aménagée en chambre à gaz. Les SS pratiquèrent notamment cinq orifices dans le toit, par lesquels était déversé le Zyklon B, la préparation qui dégageait de l’acide cyanhydrique, gaz mortel très violent qui provoque la mort rapide de ceux qui en respirent, même à une faible concentration.

Si la majorité des assassinats par gazage fut transférée à Birkenau à partir d’avril 1942, la chambre à gaz du Krema I, à Auschwitz I, continua d’être sporadiquement utilisée jusqu’en décembre 1942.

En 1943, le Krema I fut en partie démantelé, notamment les fours et la cheminée du bâtiment. En 1944 le bâtiment fut converti en abri antiaérien (pour les patients de l’hôpital SS tout proche) et subit des modifications en conséquence, notamment le rajout de trois murs de renforcement dans l’ancienne chambre à gaz, divisant celle-ci en quatre pièces. Plusieurs entrées furent scellées et les orifices d’introduction du Zyklon B furent colmatés. Un sas fut également rajouté à l’extrémité de l’ancienne chambre à gaz, et une ouverture pratiquée, menant directement du sas vers l’extérieur (alors qu’auparavant, aucune entrée ne permettait de pénétrer directement dans la chambre à gaz).

Si le Krema I ne fut pas détruit en 1945, c’est bien parce qu’au moment de la fuite des SS, il n’était plus, depuis longtemps, utilisé comme lieu d’assassinats de masse, contrairement aux autres complexes crématoires-chambres à gaz de Auschwitz II-Birkenau, qui furent, eux, détruits.

Après la guerre, les Polonais ont procédé à des modifications dans l’intention de reproduire l’agencement original du bâtiment: reconstitution des fours et érection d’une nouvelle cheminée, abattage des murs rajoutés en 1944 pour transformer la chambre à gaz en abri anti-aérien, réouverture d’une porte et de quatre des cinq orifices, d’introduction du Zyklon B, dans le toit.

Malheureusement, dans leur empressement, les Polonais ont commis plusieurs erreurs. Ils ont abattu un mur de trop et joint à la chambre à gaz une pièce qui n’en faisait pas partie, mais qui était dans son prolongement, la salle de lavage, qui rajoute 16 m2 aux 78 m2 de la chambre à gaz originelle. Ils ont également percé une ouverture censée se trouver à l’emplacement de l’ancienne entrée (colmatée) de la chambre à gaz, mais ils se sont trompés sur l’emplacement exact de celle-ci. Ils ont laissé le sas et son entrée donnant vers l’extérieur, longtemps présentée indûment comme celle de la chambre à gaz originale. Notons cependant que, contrairement à ce qu’on a parfois pu croire ou écrire, les quatre orifices percés correspondent bien à quatre des cinq orifices originaux.

 
Le Krema I, 1941-1942  (cliquer pour voir un plan original...)

image du Krema I 1941-1942
  1. salle des fours.
    a. four 1 — b. four 2 — c. four 3
  2. cokerie.
  3. urnes.
  4. entrée/vestibule.
  5. salle d’exposition des corps.
  6. salle de lavage.

On notera que la chambre à gaz ne possède pas d’accès direct vers l’extérieur et qu’elle possède deux entrées, l’une donnant sur la salle des fours (1) et l’autre sur la salle de lavage (6). La porte qui sépare la salle d’exposition des corps (5) de la salle de lavage (6) ne donne donc pas directement sur la chambre à gaz.

 
Le Krema I, 1944  (cliquer pour voir un plan original...)

image du Krema I 1944

La partie inférieure du crématoire a été transformée en un abri anti-aérien constitué de 6 pièces dont 4 dans l’ancienne chambre à gaz. C’est l’état dans lequel le Krema I fut découvert en 1945.

 
Le Krema I, aujourd’hui  (cliquer pour voir un plan détaillé…)

image du Krema I aujourd'hui

Dans le cadre de la tentative de rétablissement de la chambre à gaz dans son état originel, on relève donc quatre erreurs principales: abattage d’un mur de trop, percement d’une ouverture mal placée, conservation de l’ouverture vers l’extérieur, conservation du sas. Aucune des ouvertures actuelles, et notamment aucune des portes, ne faisait partie de la chambre à gaz originelle. De même aucune des deux portes/ouvertures de la morgue/chambre à gaz n’existe aujourd’hui. On peut relever également qu’aucun accès direct vers l’extérieur n’existait depuis la chambre à gaz, une ouverture (dans le mur aujourd’hui détrui, par erreur) donnant sur la salle de lavage et l’autre (aujourd’hui bouchée) dans la salle des fours.

Ce ne furent pas les seules: force est de constater que la cheminée reconstituée n’est pas de la bonne taille, que les fours (deux au lieu de trois originellement) ne sont pas correctement agencés. Les Polonais ont longtemps trompé le public, par omission, en ne faisant pas état de manière systématique et explicite que fours et cheminée étaient des reconstitutions, ou que la chambre à gaz présentée était plus grande que l’originale et comportait les erreurs mentionnées. Il s’agit évidemment de négligence, malheureuse certes, mais pas d’une volonté délibérée de falsification. Cependant la pièce présentée comprend bien la chambre à gaz «d’origine», malgré l’adjonction erronée de la salle de lavage: c’est bien le lieu où furent assassinés des milliers d’êtres humains. Si les modifications apportées par les Polonais ne reproduisent pas exactement l’agencement original de la chambre à gaz initiale, la pièce présentée comme ayant servi de chambre à gaz comprend effectivement celle qui a servi de chambre à gaz, murs compris (jusqu’à la pièce rajoutée cependant). De récentes expertises chimiques ont d’ailleurs identifié des traces de cyanure (l’acide cyanhydrique était le gaz mortel utilisé pour les assassinats) sur ses murs. panneau chambre a gaz Auschiwtz I Même l’escroc négationniste Leuchter fut obligé de constater les traces de cyanure sur les murs de la chambre à gaz du Krema I, alors même qu’il utilisait des méthodes d’amateur et des mesures approximatives. Enfin, ces erreurs, sont depuis longtemps signalées à Auschwitz (ci-contre, extrait du panneau explicatif d’Auschwitz I: cliquer pour le panneau complet), ainsi que dans la littérature historienne.

Les négationnistes ont utilisé cette histoire afin de prétendre que la chambre à gaz d’Auschwitz I présentée au public n’était pas «authentique». C’est évidemment un argument frauduleux, dans la mesure où, contrairement à la cheminée ou aux fours, la pièce en question est bien la pièce d’origine, malgré les modifications successives dont elle a fait l’objet depuis 1943.

A cette fin, ils ont notamment falsifié et détourné les propos du directeur du Musée d’Auschwitz ainsi qu’un article de Éric Conan paru dans L’Express du 19 janvier 1995 qui dénonçait les erreurs et approximations soviético-polonaises, mais évidemment ne remettait absolument pas en cause la réalité de la chambre à gaz du Krema I, les meurtres qui y furent perpétrés, et encore moins les chambres à gaz de Birkenau où la majorité des assassinats avait été accomplie. L’ironie est que Éric Conan dénonçait la façon dont les négationnistes avaient utilisé les erreurs des modifications communistes. Voici ce qu’il écrivait:

«En 1948, lors de la création du musée, le crématoire-I fut reconstitué dans un état d’origine supposé. Tout y est faux: les dimensions de la chambre à gaz, l’emplacement des portes, les ouvertures pour le versement du Zyklon B, les fours, rebâtis selon les souvenirs de quelques survivants, la hauteur de la cheminée. A la fin des années 70, Robert Faurisson exploita d’autant mieux ces falsifications que les responsables du musée rechignaient alors à les reconnaître.»

Éric Conan commettait une erreur à propos des orifices (ce qu’on ne saurait lui reprocher, la preuve en ayant été apportée dans une étude publiée seulement en 2004 — voir la bibliographie plus bas). Par ailleurs Éric Conan émet un jugement injuste et non étayé en parlant de «falsifications». Il n’y a jamais eu intention de tromper de la part des autorités du musée, mais simplement embarras et irresponsabilité consistant à ne pas assumer, et rectifier, des erreurs commises peu après la guerre. Il demeure, cependant que les négationnistes se sont emparés de la formule à l’emporte pièce, toute journalistique et aussi malheureuse qu’erronée «tout y est faux» d’un Éric Conan bien mal inspiré. Les négationnistes ont cité l’article d’Éric Conan en donnant le seul segment de phrase «Tout y est faux», et en oubliant le reste de l’article, camouflant que ce qu’Éric Conan qualifiait de faux c’était les détails de la reconstitution du crématoire dans son ensemble et non la chambre à gaz elle-même, et qu’évidemment Éric Conan ne remettait nullement en cause l’utilisation de cette pièce pour assassiner des êtres humains par gazage. Certains négationnistes vont jusqu’à prétendre que la chambre à gaz a été construite après la guerre. C’est évidemment un mensonge au premier degré.
 

Sources

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