1. Sans compter la possibilité d’accéder à de nouvelles archives provenant de l’ex-bloc soviétique. 2. Le directeur de l’Institut, Jan Phillip Reemstma, est le fils d’un des plus grands fabricants de cigarettes de l’entre-deux-guerres (des petits paquets jaunes qui approvisionnaient la Wehrmacht !). Il a vendu la firme pour financer un institut qui s’est précisément fixé comme objectif un travail de mémoire sur la période du troisième Reich. L’historien en charge de l’exposition, Hannes Heer est lui un ancien militant communiste. 3. Quelques photos ayant été contestées (des crimes du NKVD dont les Allemands auraient découvert les charniers, moins d’1% des photos !), l’exposition a été suspendue «provisoirement» à l’automne 1999. 4. Voir le dossier que lui consacre L’Histoire dans son n°206 de janvier 1997 et surtout le livre d’Édouard Husson évoqué plus loin. 5. Office central de la justice des Länder, où sont entreposés les rapports quotidiens et les abondantes archives photographiques des Einsatzgruppen. 6. Quand Himmler donne l’ordre de faire évacuer dans des conditions atroces les détenus des camps, les gardiens se livrent à d’épouvantables violences, provoquant la mort de la moitié des 750000 prisonniers évacués. 7. Il souligne le sadisme des opérations (“l’Holocauste fut l’un des rares massacres de masse où les bourreaux tournèrent leurs victimes en dérision et les forcèrent à des bouffonneries avant de les envoyer à la mort”) et conclut à “une culture allemande de la cruauté”. On a relevé qu’il gommait les - rares - refus d’obéissance et qu’il s’étendait en fait sur les actes monstrueux de cadres SS, qu’il paraît difficile de considérer comme des “Allemands ordinaires”, comme l’abominable Odilo Globocnik, chef du district de Lublin. 8. Browning explique que le responsable du régiment, le commandant Trapp, personnellement hostile à la Solution finale, offre à ses hommes, la possibilité de se désister. 10% à peine saisiront cette possibilité et la plupart le font parce qu’il s’estiment ... “trop faibles” pour tuer! Heinrich Mann avait été un des premiers à analyser cette culture de la sujétion héritée du Reich wilhelmien dans Der Untertan, 1918 (traduit par “Le Sujet de l’Empereur”, Presses d’aujourd’hui, Paris, 1982). 9. Voir bibliographie jointe pour tous les ouvrages de base dont les titres ne sont pas précisés ici.

Le nazisme: controverses et interprétations

Enrique Leon

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Introduction

Comment Auschwitz a-t-il été possible au pays de Bach, de Gœthe ou de Kant? Aucune interprétation globale convaincante ne permet d’expliquer pourquoi un des peuples les plus cultivés d’Europe a pu adhérer largement à un régime aussi monstrueux et destructeur. Est-ce le seul fruit de la folie d’un homme? Le nazisme est-il le produit de circonstances exceptionnelles ou l’expression de l’esprit du siècle? Faut-il voir dans le IIIe Reich une simple parenthèse de l’histoire allemande ou, au contraire, son aboutissement fatal, résultant de la voie singulière, spéciale (sonderweg), qu’elle aurait adoptée? L’ample bibliographie qui, depuis un demi-siècle, se concentre sur le nazisme et sur la Shoah montre qu’on en a pas fini avec ces questions. Une recension récente ne décompte pas moins de 120000 études sur Hitler et l’Allemagne nazie!

Plus de cinquante ans après la condamnation sans appel du régime nazi par le Tribunal de Nuremberg, les querelles d’interprétation sont plus vives que jamais. Dès qu’il s’agit d’en comprendre la nature ou d’en éclairer les origines, les débats tournent encore souvent à la controverse passionnée. Les enjeux politiques en sont à la fois évidents et diffus, les clivages qui apparaissent lors des débats scientifiques ne relevant pas nécessairement d’engagements militants. Il est clair en effet que la conscience nationale allemande intègre difficilement cette page sinistre de son histoire. Pourtant, depuis dix ans, ce problème se pose dans des termes nouveaux: une nouvelle génération d’historiens, nés dans les années 60 et 70, a remplacé la génération de l’après-guerre, marquée par l’apogée puis l’agonie du Troisième Reich, et la chute du mur de Berlin conduit à s’interroger avec un regard neuf sur le destin de l’Allemagne au XXe siècle1.

Trois controverses récentes l’ont bien montré:

Comment rendre compte de la complexité de ces débats, du renouvellement des problématiques, de la lente construction d’une mémoire dans un pays enfin réconcilié avec lui-même?

On dispose de deux excellentes synthèses historiographiques:

Sélective, la démarche va délibérément privilégier l’école allemande et, comme le questionnement introductif le rappelait, moins chercher à répondre à toutes les questions que peut susciter le nazisme, qu’à éclairer, à travers deux ouvrages de référence dus à deux jeunes normaliens, Jean Solchanyi (PUF, 1997) et Édouard Husson (PUF, 2000), le lent travail de maîtrise du passé (Vergangenheitsbewältigung, l’«arraisonnement» du passé, une formule qui en souligne les difficultés et les enjeux: le débarrasser de ses zones les plus inacceptables).

On laissera donc de côté des questions classiques - et un peu rebattues aujourd’hui -, en particulier celle des caractères totalitaires du nazisme (voir la conférence de Bernard Bruneteau du 17 novembre 1999, résumée sur le site de l’Académie de Rouen: http://www.ac-rouen.fr/hist-geo/doc/cfr/tot/tot.htm), comme celle des liens qu’il entretient avec les fascismes.

       


Notes.

1. Sans compter la possibilité d’accéder à de nouvelles archives provenant de l’ex-bloc soviétique.

2. Le directeur de l’Institut, Jan Phillip Reemstma, est le fils d’un des plus grands fabricants de cigarettes de l’entre-deux-guerres (des petits paquets jaunes qui approvisionnaient la Wehrmacht !). Il a vendu la firme pour financer un institut qui s’est précisément fixé comme objectif un travail de mémoire sur la période du troisième Reich. L’historien en charge de l’exposition, Hannes Heer est lui un ancien militant communiste.

3. Quelques photos ayant été contestées (des crimes du NKVD dont les Allemands auraient découvert les charniers, moins d’1% des photos !), l’exposition a été suspendue «provisoirement» à l’automne 1999.

4. Voir le dossier que lui consacre L’Histoire dans son n°206 de janvier 1997 et surtout le livre d’Édouard Husson évoqué plus loin.

5. Office central de la justice des Länder, où sont entreposés les rapports quotidiens et les abondantes archives photographiques des Einsatzgruppen.

6. Quand Himmler donne l’ordre de faire évacuer dans des conditions atroces les détenus des camps, les gardiens se livrent à d’épouvantables violences, provoquant la mort de la moitié des 750000 prisonniers évacués.

7. Il souligne le sadisme des opérations (“l’Holocauste fut l’un des rares massacres de masse où les bourreaux tournèrent leurs victimes en dérision et les forcèrent à des bouffonneries avant de les envoyer à la mort”) et conclut à “une culture allemande de la cruauté”. On a relevé qu’il gommait les - rares - refus d’obéissance et qu’il s’étendait en fait sur les actes monstrueux de cadres SS, qu’il paraît difficile de considérer comme des “Allemands ordinaires”, comme l’abominable Odilo Globocnik, chef du district de Lublin.

8. Browning explique que le responsable du régiment, le commandant Trapp, personnellement hostile à la Solution finale, offre à ses hommes, la possibilité de se désister. 10% à peine saisiront cette possibilité et la plupart le font parce qu’il s’estiment ... “trop faibles” pour tuer! Heinrich Mann avait été un des premiers à analyser cette culture de la sujétion héritée du Reich wilhelmien dans Der Untertan, 1918 (traduit par “Le Sujet de l’Empereur”, Presses d’aujourd’hui, Paris, 1982).

9. Voir bibliographie jointe pour tous les ouvrages de base dont les titres ne sont pas précisés ici.

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